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de la Passion









 

        Quelques objets matériels traditionnellement associés à la mort en croix de Jésus-Christ ont suscité pendant des siècles une fascination sur le monde chrétien. La question de leur authenticité a donné lieu à de vifs débats, ainsi d'ailleurs que le sens à donner à leur vénération. On présentera ici rapidement deux exemples en s'interrogeant sur leur crédibilité historique.


Qu'est devenue la Vraie Croix ?

        

            Une tradition bien établie affirme que c'est la mère de l'empereur Constantin, sainte Hélène, qui exhuma les restes de la croix véritable de Jésus sur les lieux-mêmes de sa crucifixion. En 325, Hélène partit en pèlerinage pour la Terre Sainte. A Jérusalem, sur les lieux présumés du Calvaire, elle fit détruire le temple de Vénus bâti par Hadrien et se mit en quête des reliques de la Passion. Ses recherches furent apparemment couronnées de succès, puisque la plupart des objets de l'exécution auraient été retrouvés à cette occasion.





Icône anglaise contemporaine représentant
 sainte Hélène en possession de la vraie Croix
(stcome.avignon.free.fr).



          Les circonstances de l' "invention" de la vraie croix (au sens de sa redécouverte, selon le vocabulaire de l'époque) sont rapportées dans un texte écrit en 395 par l'évêque saint Ambroise de Milan. Il écrivit qu'Hélène aurait retrouvé les trois croix dans une ancienne citerne, et que pour reconnaître celle du Christ elle aurait exhumé également l'inscription : "Jésus de Nazareth, roi des Juifs" [1] :

        "Elle commença par visiter les Lieux saints ; l’Esprit lui souffla de chercher le bois de la croix. Elle s’approcha du Golgotha et dit : « Voici le lieu du combat ; où est la victoire ? Je cherche l’étendard du salut et ne le vois pas. » Elle creuse donc le sol, en rejette au loin les décombres. Voici qu’elle trouve pêle-mêle trois gibets sur lesquels la ruine s’était abattue et que l’ennemi avait cachés. Mais le triomphe du Christ peut-il rester dans l’oubli ? Troublée, Hélène hésite, elle hésite comme une femme. Mue par l’Esprit-Saint, elle se rappelle alors que deux larrons furent crucifiés avec le Seigneur. Elle cherche donc la croix du milieu. Mais, peut-être, dans la chute, ont-elles été confondues et interverties. Elle revient à la lecture de l’Evangile et voit que la croix du milieu portait l’inscription : «Jésus de Nazareth, Roi des Juifs». Par là fut terminée la démonstration de la vérité et, grâce au titre, fut reconnue la croix du salut".
        




Reliquaire contenant quatre fragments de la Croix,
 dans la collégiale Sainte-Croix de Liège
(fabrice-muller.be)
.




            Des faits similaires sont rapportés à la même époque par le théologien saint Jean Chrysostome, ainsi que par l'écrivain chrétien Rufin d'Aquilée ; celui-ci attribue cependant l'identification de la croix du Sauveur à un miracle de guérison qui aurait eu lieu à son contact. Plus tard, au XIIIème siècle, Jacques de Voragine expliqua dans sa "Légende Dorée" que l'emplacement de la croix fut révélé par un Juif nommé Judas qui se convertit au christianisme et prit le nom de Quiriace.

        Le destin de la vraie croix est semblable à celui de beaucoup d'autres reliques. Découpée en trois parts, elle fut encore fragmentée en de multiples morceaux qui furent distribués à de nombreux bénéficiaires, au point que d'innombrables reliques reposent aujourd'hui dans des églises du monde entier. Il existe dans nos régions des fragments conservés dans des sanctuaires tels que la basilique Saint-Cernin de Toulouse, l'église copte de Sarcelles, l'hospice de Baugé en Anjou, la collégiale Sainte-Croix de Liège [2][3] ...

      Au Moyen Age, le nombre d'églises prétendant posséder des reliques de la vraie croix était tel qu'il suscita des doutes croissants quant à leur authenticité. Pourtant, l'ensemble des fragments encore existants ne représente pas une quantité excessive par rapport à ce qu'aurait pu être une croix du Ier siècle.






Reliquaire d'un fragment de la vraie Croix,
 conservé à Saint-Cernin de Toulouse
(E. Revault - pmaude.free.fr).



Un autre reliquaire contenant
un fragment de la Croix,

forme à l'origine de la croix de Lorraine
(chris.burtin.chez-alice.fr)
.




La sainte tunique d'Argenteuil


         Un tissu de couleur rouge sombre, aujourd'hui conservé dans la basilique Saint-Denys d’Argenteuil, passe pour être un vêtement qui aurait été porté par Jésus de Nazareth, et précisément le jour de son exécution. Les informations disponibles concernant cette relique rendent son authenticité plus ou moins crédible.

        Deux versets de l'évangile de Jean font référence à ce tissu, en évoquant le vêtement que se partagèrent les soldats romains au moment de la crucifixion (Jn. 19, 23-24) :

    "Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; mais la tunique était sans couture, tissée d'une seule pièce de haut en bas. Ils se dirent donc entre eux : "Ne la déchirons pas, mais tirons au sort à qui l'aura." Ainsi s'accomplirait cette parole de l'Ecriture : Ils se sont partagé mes habits et ont tiré au sort mon vêtement. Voilà ce que firent les soldats".

    Les témoignages ultérieurs concernant l'histoire de cet objet sont assez épars. Il aurait été retrouvé lui aussi par sainte Hélène au IVème siècle. On retrouve sa trace en 590 à Joppé, chez un Juif nommé Simon, puis à Jérusalem, puis à Constantinople. En 803, l'empereur Charlemagne déposa l'objet dans le monastère de sa fille à Argenteuil, ville où il est demeuré jusqu'à nos jours [4][5].






La Tunique d'Argenteuil,
visible dans sa châsse
(anagogie.online.fr).



La Tunique d'Argenteuil, sortie de sa châsse
(catholique95.com).




            L'objet a été plus ou moins bien conservé et présente d'importantes dégradations. Aujourd'hui conservée dans une châsse de la basilique d'Argenteuil, la relique possède des caractéristiques à première vue compatibles avec le récit de la Passion. Tissée dans une sorte de laine teinte en brun-rouge, elle est effectivement d'un seul morceau, sans couture. Des taches sombres sur l'épaule et le dos pourraient correspondre à des taches de sang dues à une flagellation et au transport d'un lourd fardeau [6].

            Des études scientifiques minutieuses ont été effectuées à partir de 1882, moins poussées toutefois que celles du Linceul de Turin. En 1892, le chimiste P. Lafon et le pharmacien J. Roussel confirmèrent que ces taches sombres étaient bien du sang. Plus récemment, en 1985, le docteur hématologue Saint-Prix identifia le groupe sanguin AB, le même que sur le Linceul de Turin. Le professeur Gérard Lucotte, généticien au Centre de Neurogénétique Moléculaire de Paris, fit également une analyse de l'ADN de ce sang et conclut qu'il appartenait à un Juif du Proche-Orient. Enfin, une étude pollinique réalisée en 2003 permit d'établir que sur dix-huit sortes de pollens recueillies sur la tunique, deux espèces ne se trouvaient qu'en Palestine.



 

La basilique Saint-Denis à Argenteuil
(journeesdupatrimoine.culture.fr).



La Tunique d'Argenteuil
(leparisien.fr).



            En octobre 2003, une analyse de datation au radiocarbone fut effectuée par le Laboratoire des mesures du carbone 14 de Saclay. Là aussi, le résultat fut décevant pour les pélerins qui y croyaient : il donnait une gamme de dates comprises entre 530 et 650 de notre ère. On en déduisit que cet objet n'était pas d'époque et que c'était probablement un faux.

      Le résultat de cette datation fut contesté, et justifia une seconde campagne de mesures. Celle-ci fut effectuée à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich et donna une fourchette de dates proche de la précédente  : de 670 à 780 ap. J.-C..

     Dans les deux cas, la méthodologie fut remise en question. Le docteur Marie-Claire Van Oosterwijck, auteur d'une importante étude sur le Linceul de Turin, expliqua que la technique de nettoyage utilisée avant l'analyse était sans doute inefficace, car le traitement chimique appliqué n'avait pas dû éliminer la totalité de la pollution organique [7].

        Un colloque scientifique organisé à Argenteuil en 2005 par le Comité Œcuménique et Scientifique de la Sainte Tunique d'Argenteuil (COSTA), résuma les résultats de ces travaux. Ses membres prirent position pour l'authenticité, et formulèrent deux groupes de conclusions : d'une part, les taches sont bien constituées de sang, et d'autre part, l'analyse au radiocarbone est erronée [8].

             Que conclure à propos de l'origine de cet objet ? Là aussi, les résultats de la datation au radiocarbone ne vont pas dans le sens des autres études effectuées. La mesure du carbone 14 ne peut être fiable que si l'échantillon analysé est exempt de pollution, condition peut-être plus difficile à garantir pour un tissu que pour un morceau de bois compact. Comme dans le cas du Linceul de Turin, il n'y a pas de consensus autour des résultats des travaux scientifiques réalisés sur la tunique d'Argenteuil.



Le Titulus Crucis






Le Titulus Crucis
(zeably.com).



     Une autre relique intéressante est une planchette de bois exposée dans la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem à Rome, le Titulus Crucis, qui ne serait rien moins qu'un morceau de l'écriteau fixé sur la croix du Christ au Golgotha ... L'objet aurait été rapporté de Terre sainte, toujours par sainte Hélène, et conservé ensuite dans une chapelle de son palais à Rome, plus tard transformée en église puis élevée en basilique.

     Longue de vingt-cinq centimètres, la planchette porte trois lignes d'écriture gravées en araméen, en grec et en latin. L'inscription est composée des lettres suivantes :

...
ΝΑΖΑΡΕΝΥΣ Β
US NAZARENUS RE

 

     Bien que la première ligne fût très fragmentaire, l'historienne Maria-Luisa Rigato a tenté une reconstitution des lettres hébraïques. Elle proposa de lire : "Jeschu nazara m m", expression abrégée qui peut signifier : "Jésus Nazara, votre roi". Les deux autres lignes comportaient des fragments probables des mots "Jésus", "nazaréen" et "roi".

         En 1998, des examens des styles d'écriture furent effectués par plusieurs paléographes israéliens et par l'écrivain allemand Michael Hesemann. Ceux-ci datèrent l'objet du Ier siècle, résultat qui fut confirmé par le paléographe Carsten Peter Thiede et par Maria-Luisa Rigato. Cependant, une analyse au radiocarbone faite en 2002 par l'université de Rome indiquèrent que le Titulus Crucis ne pouvait remonter qu'au XIème siècle [9]. Dès lors, suivant l'avis de Maria-Luisa Rigato, la plupart des chercheurs en conclurent qu'il pouvait s'agir d'une copie conforme du véritable écriteau de la Passion.



Autres objets


            La liste des reliques associées à la mort de Jésus-Christ recèle encore bien des artéfacts dont on ne donnera ici qu'un bref aperçu. Une couronne d'épines conservée dans la cathédrale Notre-Dame de Paris est considérée comme celle ayant coiffé le condamné au Golgotha. Plusieurs "clous de la Passion" qui auraient transpercé ses membres sont conservés dans des reliquaires, notamment à Notre-Dame de Paris, à Florence, à Tèves et à Monza en Lombardie. Un autre de ces clous, curieusement transformé en mors de cheval, repose dans la cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras. Un tissu conservé à Oviedo en Espagne passe pour être le suaire qui aurait recouvert son visage dans le tombeau, en complément du Linceul de Turin.

     S'il est souvent difficile d'attester de l'authenticité de tel ou telle relique, celle-ci est quelquefois appuyée par des témoignages de particuliers qui leur attribuent des vertus miraculeuses. Cependant il convient de se garder d'un attachement excessif à l'aspect matériel de ces objets de vénération. L'essentiel du message de Jésus-Christ est ailleurs, et consiste avant tout en une démarche de nature spirituelle et humaine.










Références :

[1] - F.-X. de Villemagne : "Sainte Hélène et la Vraie Croix" (villemagne.net).
[2] - G. Cambell : "Histoire de la Croix d'Anjou (devenue Croix de Lorraine)" (chris.burtin.chez-alice.fr).
[3] - F. Muller : "Tryptique reliquaire de la Vraie Croix" (fabrice-muller.be).
[4] - F. Le Querré : "Résumé des recherches scientifiques anciennes sur la Sainte Tunique". Dossiers d'Archéologie, Jésus dans l'Histoire, n° 249, déc. 1999-janv. 2000.
[5] - "Les reliques" (anagogie.online.fr).
[6] - F. Lemoine : "La sainte tunique d'Argenteuil", 1er mai 2008 (ebior.org).
[7] - "Sainte Tunique d'Argenteuil" (unavoce.fr).
[8] - "Colloque sur la Ste tunique du 12 nov. 2005". Costa/Coeli, Union des Nations de l'Europe Chrétienne (radio-silence.tv).









La suite :
Résurrection et Ascension


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