Vers
l'an 270 avant notre ère, le roi d'Egypte Ptolémée II prit une décision
inédite. Il décida de faire traduire pour la première fois la Bible
hébraïque en
langue grecque, et d'en pourvoir d'un exemplaire la
bibliothèque d'Alexandrie.
L'Egypte
était alors gouvernée par la dynastie égyptienne "ptolémaïque",
qui résultait du morcellement de l'empire d'Alexandre le Grand après la
mort du
conquérant en 323. Le général Ptolémée avait reçu l'Egypte en partage,
et fondé
une dynastie de pharaons d'origine grecque qui allait se maintenir
pendant
trois cents ans. Son fils Ptolémée II (283-247), surnommé Philadelphe
car il
avait épousé sa sœur, mena une politique intérieure qui s'efforçait de
concilier
les cultures grecque et égyptienne. Il se fit déclarer pharaon-dieu et
fut
reconnu comme tel par les prêtres égyptiens. L'Egypte devint le
principal foyer
de la culture hellénistique, la ville d'Alexandrie se développa et sa
bibliothèque acquit un prestige international.
Le
projet de faire réaliser une traduction grecque de la Bible semble
revenir au
fondateur de la grande bibliothèque, Démétrios de Phalère. La ville
comptait
alors une importante communauté juive, et par ailleurs le territoire de
Juda
dépendait politiquement de l'Egypte. Le pharaon était soucieux de
connaître la
culture des peuples qui lui étaient assujettis. Ptolémée s'adressa donc
aux
prêtres de Jérusalem en demandant l'envoi d'une commission de
traducteurs. Le grand-prêtre
Eléazar ne lui donna satisfaction qu'en échange de la libération d'un
groupe de
prisonniers judéens retenus en Egypte. Moyennant cet accord, une
délégation de soixante-douze
traducteurs juifs se déplaça de Jérusalem à Alexandrie.
Le
pharaon reçut les savants avec les plus grands honneurs et les invita à
la
table royale. Il les questionna longuement à propos du judaïsme, et la
conversation se poursuivit pendant sept jours. Puis les sages furent
conduits
dans l'île de Pharos où ils s’installèrent pour accomplir leur tâche
dans des
logements séparés. Durant soixante-douze jours, les érudits
traduisirent chacun
séparément l'intégralité de la Bible. Le travail terminé, il s'avéra
que les
soixante-douze versions étaient identiques !

Statue du pharaon Ptolémée II
Philadelphe
(image : http://mv.vatican.va).
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Monnaie à l'effigie du roi
Ptolémée II Philadelphe
(perso.wanadoo.fr/spqr).
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Ce
récit de la naissance de la Bible des Septante est un texte
classique,
la "lettre d'Aristée", dont l'auteur se présente comme étant un
officier de Ptolémée II. En fait les historiens considèrent aujourd'hui
cette lettre
comme un écrit plus tardif de deux siècles au moins, et qu'il s'agit
d'un texte
de propagande destiné à légitimer la Septante. Le style lyrique de son
contenu est
représentatif de l'esprit du judaïsme d'Alexandrie.
Quelles
que soient les circonstances exactes de sa composition, il est certain
en
revanche que la Bible grecque fut d'abord bien accueillie par la
société
hébraïque. Mais au IIème siècle de notre ère le monde juif la rejeta
car elle
était trop imparfaite, et dès lors elle ne fut plus utilisée que par
les
chrétiens.
Les
plus anciennes copies que nous ayons de la Bible grecque d'Alexandrie
sont essentiellement
le codex sinaiticus et le codex vaticanus,
deux Bibles presque
complètes qui datent du IVème siècle. Le codex
sinaiticus provient du monastère Sainte-Catherine, dans le massif
du Sinaï,
et appartient aujourd'hui à la British
Library. Le codex vaticanus est conservé
à la Bibliothèque du Vatican au moins depuis 1475. Il est possible que
ces deux
manuscrits aient fait partie d'une collection de cinquante exemplaires
commandés
par l'empereur Constantin au théologien Eusèbe de Césarée.
Vue imaginaire de l''île de Pharos
(users.bigpond.com/MSN/gary_fletcher).
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L'un des plus vieux extraits de la
Bible :
le codex Crosby-Shoyen, daté du IIIe s.
(nb.no/baser/schoyen).
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La
version grecque de la Bible constitue encore une référence pour les
théologiens
contemporains. La découverte récente des manuscrits de la mer Morte a
permis de
comparer la version hébraïque à celle des Septante. Les biblistes ont
constaté
que la Septante était relativement fidèle aux textes hébreux de Qumrân,
et qu'elle
complète utilement le texte hébreu "massorétique" qui fut fixé au
IXème siècle de notre ère.
L'un
des plus anciens exemplaires
de la Septante : Le codex sinaïticus.
(image
: http://www.christianismus.it)
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Un
autre exemplaire ancien
de la Septante : Le codex
vaticanus.
(image
:
http://fr.wikipedia.org)
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