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La Judée romaine

et hérodienne








            La situation politique de la Terre sainte au début de l'époque romaine est décrite par les auteurs de l'Antiquité, en particulier l'historien Flavius Josèphe (37-100).

            Le royaume israélite indépendant qu'avaient reconstitué les rois-prêtres hasmonéens au IIe siècle av. J.-C. ne résista pas aux ambitions de l’empire romain. En 63 av. J.-C., le général Pompée, qui venait de conquérir la Syrie, fut appelé comme arbitre par les deux princes hasmonéens Aristobule II et Hyrcan II pour désigner celui qui accèderait au trône. Pompée se prononça pour Hyrcan II, mais en profita pour s'emparer de Jérusalem avec l’aide de ses légions. Le nouvel occupant partagea le territoire israélite en trois parties, confiant la Judée et la Galilée à Hyrcan II et rattachant la Samarie à la province romaine de Syrie.

            Trois grandes zones géographiques divisaient désormais le pays des Hébreux. Au Sud, la Judée désignait l'ancien royaume de Juda, entre la mer Morte et la Méditerranée. Au Nord, la Galilée s’étendait sur la région située à l'Ouest du lac de Tibériade. Entre les deux s'insérait la Samarie, qui correspondait plus ou moins à l'ancien royaume schismatique d'Israël.



La Terre sainte à l'époque romaine
(answering-islam.org).


            Après la défaite de Pompée devant Jules César, l'un des ministres de Hyrcan II, un prince édomite nommé Antipater, obtint la royauté au profit de son fils Hérode. En 40 avant J.-C, le futur Hérode le Grand se rendit à Rome où il fut nommé roi de Judée par Antoine et Octave.

            De retour en Judée, Hérode eut un rival à combattre, le roi hasmonéen Antigone II, fils d’Aristobule II. Avec l'appui des troupes romaines, il réussit à le repousser et à prendre le contrôle de la plupart des territoires que  lui octroyait le pouvoir romain.

            Son sceptre réunissait un vaste domaine qui s'étendait de l'Edom, au Sud de la mer Morte, jusqu'à la Galilée, en couvrant la Judée et la Samarie. A cet ensemble s'ajoutaient d'autres régions situées à l'Est du Jourdain : la Pérée au Nord-Est de la mer Morte, et plusieurs territoires de Syrie au-delà du lac de Galilée. Israël n’avait jamais connu un royaume aussi étendu depuis l’époque de David.





Etendue du royaume d'Hérode le Grand
(jewishvirtuallibrary.org).


            Hérode qui n'était pourtant pas juif mais édomite, voyait sa légitimité contestée. Cette situation semble expliquer sa crainte maladive des complots et la politique sanguinaire qu'il mena, faisant assassiner tous les suspects présumés jusque dans sa propre famille. Sa première épouse et trois de ses fils perdirent leur vie à cause de son caractère suspicieux.

            Ces crimes n'empêchèrent pas Hérode d'être par ailleurs un bâtisseur ambitieux, qui entreprit et réalisa un programme de travaux proprement gigantesques. L'oeuvre architecturale d'Hérode le Grand est impressionnante. Sa volonté fut d'abord de reconstruire une ancienne ligne de défense hasmonéenne implantée de part et d'autre du Jourdain. Il fit ainsi élever des forteresses imposantes comme celles de Massada sur la rive ouest de la mer Morte, Machéronte en Transjordanie, l'Hérodion au Sud de Bethléem et Antonia en plein coeur de Jérusalem. L'intérieur de ces places fortes fut aménagé en palais somptueux mis à la disposition de la famille royale.




Le roi Hérode le Grand
(israelandstuff.com).



            A côté de ces ouvrages de défense, Hérode entreprit la construction de villes nouvelles dotées de bâtiments monumentaux. Sur la côte méditerranéenne, il fonda Césarée Maritime en l'honneur des empereurs romains. La nouvelle cité fut dotée d'un hippodrome, d'un théâtre, d'un amphithéâtre, d'un port artificiel, d'un temple et d'un palais en avancée sur la mer. La ville devint rapidement une cité commerciale de premier plan, et servirait plus tard de lieu de résidence principale aux gouverneurs romains.

            Hérode bâtit également la ville de Sébaste (nom qui signifie « Auguste » en grec) sur l'ancienne cité de Samarie. Construite selon le modèle gréco-romain, cette cité vit s'élever un temple païen à la place de l'ancien palais d'Achab, roi d'Israël. Enfin, il fit construire en un lieu nommé Panium proche du mont Hermon et des sources du Jourdain, un magnifique temple romain en marbre blanc.

            Mais le chantier le plus important fut sans doute la reconstruction du Second Temple de Jérusalem, qui remplaçait celui de Salomon. Les nouvelles dimensions de l’édifice et les moyens employés pour le réaliser furent colossaux. Terminé seulement après sa mort, le Temple d’Hérode fut au service du culte juif et accueillit d'innombrables pélerins au moment des fêtes juives.

            Hérode décéda vraisemblablement en l'an 4 avant J.-C. Il laissait derrière lui des édifices monumentaux et le souvenir d'un roi cruel et mégalomane, très jaloux de son autorité mais en même temps fidèle à Rome et respectueux des traditions juives. Sa politique religieuse ambiguë soutenait à la fois les cultes païens et le monothéisme israélite.


Le Temple d’Hérode le Grand

 

            L’oeuvre majeure d’Hérode le bâtisseur est sans doute la reconstruction du grand et unique sanctuaire de Jérusalem. Le Premier Temple du roi Salomon avait été abattu par les Babyloniens en 587 av. J.-C., et un second fut construit à sa place après le retour de l’exil en 516 av. J.-C. Hérode entreprit de restaurer et d’agrandir ce Second Temple à partir de l'an 19 avant notre ère. Implanté comme le précédent sur l’actuelle esplanade des mosquées, il fut achevé en une quarantaine d'années.

            Les informations dont nous disposons sur ce monument proviennent essentiellement des écrits de Flavius Josèphe [1] et de la Mishna rabbinique. Sa reconstruction nécessita des travaux encore plus conséquents que pour le premier. L'esplanade fut pratiquement doublée de surface, ce qui nécessita le creusement de la colline rocheuse au Nord et l'agrandissement du remblai au Sud. La nouvelle cour fut entourée d'un mur de soutènement cylopéen qui la maintenait sur quatre côtés. L'esplanade se divisait en plusieurs zones, d'abord le « parvis des gentils », c'est-à-dire des païens, puis une zone accessible aux seuls Juifs, elle-même compartimentée en parvis réservés aux hommes, aux femmes et aux prêtres. C'est dans ce dernier périmètre qu'était bâti le Temple proprement dit.






Maquette du Second Temple au musée d'Israël
(fr.wikipedia.org).




            Les architectes s’inspirèrent plus ou moins fidèlement de l'ouvrage de Salomon. Plus grand que le premier avec ses cinquante mètres de haut, cinquante mètres de long, cinquante mètres de large en façade et trente-cinq à l'arrière, il était également subdivisé intérieurement en trois salles : porche, lieu saint et lieu très saint. Ce dernier était séparé du précédent non plus par une porte mais par un rideau, et n'était plus occupé par l'Arche d'Alliance qui avait depuis longtemps disparu.

            La vaste cour extérieure communiquait avec le reste de la ville par huit portes. Celles du Sud-Ouest donnaient sur des escaliers d'accès supportés par des arches dont les extrémités sont encore visibles aujourd'hui, l'arche de Wilson et l'arche de Robinson. La partie sud-est du remblai est encore soutenue aujourd'hui par un réseau caché de piliers et d'arches souterrains, qui forment une vaste salle portant l'appellation impropre d' « écuries de Salomon ».




Vestige de l'Arche de Robinson,
ayant supporté un escalier d'accès au Temple
(mc-rall.de).


            De ce Second Temple relevé par Hérode, il ne reste rien aujourd'hui si ce n’est une portion de son mur de soutènement, le fameux « mur des Lamentations » ou Kotel. Visible de l'extérieur par sa face sud-ouest, c’est devant lui que les Juifs du monde entier viennent se recueillir. Ce vestige symbolique est un lieu de première importance pour la communauté juive actuelle.





Le Mur des Lamentations,
seul vestige actuel du second Temple

(
ebibleteacher.com)


     
            Les recherches contemporaines menées par les archéologues israéliens se sont concentrées autour du mur de soutènement de l'esplanade des mosquées. Des fouilles furent conduites au Sud du mont du Temple à partir de 1968 par le professeur Benjamin Mazar, de l'Université hébraïque de Jérusalem. Elles ont permis de dégager des vestiges d’époque romaine, des ruelles pavées et entourées de boutiques couvertes, des restes d'habitations et un large escalier d'accès à la face sud du mont du Temple. Quelques éléments exhumés à cette occasion semblent provenir du Temple d'Hérode. Ainsi une grande pierre taillée en angle et portant une courte inscription signifiant « ... à la place des trompettes » fut-elle identifiée à la pierre d'angle du parapet d'où un prêtre venait rituellement sonner de la trompe. Un autre bloc porte également une inscription gravée en grec interdisant l'entrée du sanctuaire aux non-juifs. Il s'agit sans doute d'une portion du parapet qui séparait la cour des gentils des différents parvis [2].




Pierre gravée datant du Second Temple
(theosophical.wordpress.com).



            Un tunnel permet aujourd'hui de longer la base du mur occidental, depuis le Kotel jusqu'à l'extrémité nord de l'enceinte. Il a été creusé à la demande du rabbin Meir Yehuda Guetz afin d'explorer les fondations enfouies du mur de soubassement. Ce travail a permis de constater que la maçonnerie était entièrement hérodienne, et laisse songeur quant à l'ampleur des moyens employés. Les blocs taillés sont des monolithes géants, polis avec soin et reliés entre eux par des attaches métalliques. Le plus volumineux de ces blocs cyclopéens ne mesure pas moins de treize mètres de long ! Ce gigantisme dans la méthode de construction est à la hauteur des ambitions hérodiennes.




Un bloc cyclopéen appartenant aux fondations
de l'ancienne muraille extérieure
(mc-rall.de).


Le tombeau d'Hérode

 

            Parmi les autres constructions du mégalomane roi Hérode Ier, le palais de l’Hérodion s’éleva sur une colline artificielle au sein de laquelle sa sépulture fut également aménagée. Ce palais est décrit par l'historien Flavius Josèphe, qui relate également la mort et les funérailles du monarque qui se déroulèrent au pied de la colline de l’Hérodion.

            Le site de l'Hérodion est identifié depuis le XIXe siècle, près de Bethléem, à une douzaine de kilomètres au sud de Jérusalem. Il fut fouillé dès les années 1960 par les moines franciscains dirigés par le père Virgilio Corbo, puis à partir de 1972 par l'équipe israélienne du professeur Ehoud Netzer, de l'université hébraïque de Jérusalem. Ce dernier espérait réaliser un vieux rêve : retrouver la tombe d’hérode le Grand.

            La colline de l'Hérodion a la forme d'un cône tronqué, au sommet duquel subsistent les ruines d'une imposante forteresse circulaire renfermant un somptueux palais. Au pied de la colline, un immense complexe architectural était implanté, également hérodien, complété par de vastes jardins et une longue allée. Ces vestiges ont été longuement fouillés, à l'exception de la tombe royale dont l'emplacement restait inconnu.

            La recherche de la sépulture d'Hérode fut une longue quête qui demeura longtemps infructueuse. Les archéologues commencèrent par fouiller l'extrémité de l'allée majestueuse aménagée au pied de la colline, mais cette voie ne menait à aucune sépulture.






La colline de l'Hérodion
(bibliatheologica.blogspot.com).
 

Les fouilles de l'Hérodion
(mfa.gov.il).


            Ehoud Netzer fit fouiller partout, dans la plaine et au sommet de l'Hérodion, employant des techniques modernes comme celle des sondages géophysiques. Ceux-ci permirent effectivement de déceler l'existence d'une cavité souterraine, mais on n'en trouva jamais l'accès et elle fut finalement délaissée.

            En 2007, les fouilles étant toujours sans résultat, on se mit à prospecter également sur les flancs de la colline. C'est alors qu'à proximité d'un large escalier qui gravissait la pente, son équipe commença à trouver des fragments éparpillés de pierre ocre finement sculptés. Peu à peu apparurent les débris dispersés d'un volumineux sarcophage de calcaire rose, décoré de magnifiques rosaces. Bien qu'il fût exempt de toute inscription, la qualité et le soin apportés à ce cercueil incitèrent Netzer à l'attribuer au roi Hérode de Judée.

            Autour de la sépulture furent encore trouvés les fragments de deux autres sarcophages plus sobres, ainsi que les pierres d'un monument en ruines. On esquissa alors un plan d'ensemble du tombeau. C'était un mausolée haut de vingt mètres, qui avait contenu trois chambres superposées, chacune ayant dû abriter l'un des trois cercueils.

            En l'absence de toute inscription ou ossement, les deux autres sarcophages furent attribués à des membres de la famille d'Hérode. Bien qu'elle ait été retrouvée en miettes, la découverte de cette tombe avait résolu une énigme vieille de plus de trente ans.



 

Ehoud Netzer et un fragment du sarcophage

(
decouvertes-archeologiques-en-images.blogspot.com).


Reconstitution du sarcophage
(foxnews.com).



            Mais la colline de l'Hérodion n'avait pas fini de révéler ses secrets. De l'autre côté de l'escalier, un autre ouvrage inattendu fut exhumé, rien de moins qu'un amphithéâtre de quatre cent cinquante places orienté vers la plaine. Apparut alors la partie la plus magnifique de tout le site : la loge royale qui trônait à son sommet, et dont les parois intérieures étaient recouvertes de splendides fresques polychromes. De fausses fenêtres peintes en trompe-l'œil s'ouvraient fictivement sur des paysages imaginaires et fabuleux, représentant des mers et des îles, des plantes et animaux, des navires et des personnages.

            Même s'il n'y a pas de preuve absolue, tous ces aménagements traduisent la volonté d'un commanditaire richissime que l’on peut raisonnablement identifier au roi Hérode Ier. Si tel est le cas, ce site montre que l'un des plus cruels monarques de l'Antiquité a fait preuve d'un goût artistique raffiné [3].

            C'est peu de temps avant sa mort que naquit le fondateur d'un nouveau courant religieux, un Galiléen nommé Jésus.





Fresque de l'Hérodion
(news.nationalgeographic.com)









Références :

[1] - F. Josèphe, "Antiquités Judaïques, 15" et "Guerre des Juifs, 5".
[2] - A. Altabé : "Le Beth Hamikdach, Temple de Jérusalem" (www1.alliancefr.com).
[3] - E. Netzer : "In Search of Herod's tomb", Biblical Archaeology Review, january/february 2011, vol. 37 No 1, pp. 36-48;70.









La suite : Les manuscrits de la Bible hébraïque



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