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Nazareth









 


        Le Nouveau Testament s'ouvre sur quatre livres successifs, les évangiles, qui relatent chacun la vie de Jésus de Nazareth et dont les rédactions sont attribuées à Matthieu, Marc, Luc et Jean. Ces auteurs s'identifient à quatre de ses disciples, apôtres ou témoins indirects de sa vie. Le contenu de ces textes indépendants est à peu près le même, à quelques différences près qui résident essentiellement dans la sélection des épisodes relatés.

        C'est le cas pour la naissance et les premières années de la vie du Nazaréen, rapportées seulement dans les évangiles de Matthieu et de Luc, et plus précisément chez Luc qui relate la révélation de sa future naissance.

        A Nazareth en Galilée, sous le règne d'Hérode le Grand, la jeune villageoise Marie eut une vision de l'ange Gabriel, qui l'informa qu'elle donnerait naissance à un fils voué à un grand destin devant Dieu. Marie étant encore vierge, bien que promise au charpentier Joseph, l'ange lui révéla que l'enfant à naître serait de conception divine (Lc. 1, 26-38).

    




L'entrée de la grotte de l'Annonciation
(fr.wikipedia.org).



La grossesse de Marie mit son futur époux dans un embarras compréhensible. Le charpentier s'apprêtait à la répudier secrètement, lorsqu'il reçut à son tour une vision de l'ange précisant l'origine divine de l'enfant. Dès lors, il accepta d'épouser sa fiancée (Mt. 1, 18-25).

Le récit fait naître Jésus non pas à Nazareth, mais à Bethléem en Judée, où ses parents durent se rendre pour un recensement de population. C'est ensuite à Nazareth qu'il grandirait avant d’accomplir sa mission publique à travers la Terre sainte.
 

La grotte de l'Annonciation


        La localité appelée Nazareth est implantée à l’Ouest du lac de Tibériade, sur une colline proche de la vallée de Jezréel. Ce village insignifiant à l'époque antique est devenu aujourd'hui une ville de plus de soixante mille habitants, où réside la plus forte population arabe d'Israël et où se trouve l'un des plus importants hauts lieux spirituels de la chrétienté.

        Deux millénaires de tradition chrétienne situent l'apparition de l'ange à Marie dans une grotte naturelle de Nazareth, un modeste abri rocheux aujourd'hui protégé par un vaste édifice contemporain : la basilique de l'Annonciation. Construite en 1964 et reconnaissable à sa large coupole au toit conique, elle constitue maintenant la plus grande église de tout le Proche-Orient. Dans sa vaste nef moderne, un choeur en léger contrebas est construit en face de l'entrée d'une crypte. Quelques marches descendent vers une arche de pierre qui marque l'entrée de la grotte de l'Annonciation.

 



La grotte de l'Annonciation
(holylandphotos.org).

 

        L'intérieur offre un espace réduit dans lequel un simple autel côtoie une colonne de marbre et quelques restes de murs anciens. Derrière l'autel s'ouvre un passage vers un petit escalier en angle qui remonte vers une citerne. Si la tradition est exacte, cette cave serait le cellier ou l'annexe d'une habitation de pierres bâtie en avant de celle-ci. L'apparition de l'archange se serait produite dans cette pièce retirée de ce qui était peut-être la résidence familiale de Marie.

        A gauche de l'entrée en arcade de la grotte, s'ouvre une seconde cavité appelée le « martyrium de Conon », un espace qui contient entre autres un intéressant sol en mosaïque du Ve siècle et divers aménagements.



Plan de la grotte de l'Annonciation
(planetware.com).



        Des fouilles archéologiques ont été menées sur le site avant l'édification de la basilique, par des moines franciscains à partir de 1889 puis de 1955 [1]. L'équipe du père Bellarmino Bagatti, du Studium Biblicum Franciscanum de Jérusalem, dégagea les restes de plusieurs églises anciennes imbriquées les unes dans les autres. On découvrit ainsi les vestiges d'une église croisée du XIIe siècle, puis ceux d'une église byzantine du Ve, puis encore quelques éléments susceptibles de remonter au Ier siècle.

Certaines pierres très anciennes sont revêtues d'un enduit marqué de signes et d'inscriptions fort instructifs. La base d'une colonne antique porte l'expression : « Xe Marya », c'est-à-dire : « Salut à Marie ». Ce graffiti est antérieur au IVe siècle et représente la plus ancienne inscription connue relative à la Vierge. D'autres inscriptions portées par des morceaux de revêtements confirment le caractère marial du sanctuaire, s'exprimant dans les mots : « Belle Dame », ou encore : « Sur le lieu saint de M(arie), j'ai écrit ».



Inscription "Xe Maria" sur une antique
base de colonne en face de la grotte

(christusrex.org).




        L'intérieur de la cave du diacre Conon intègre dans son sol en mosaïque le texte d'une dédicace : « Pour Conon, diacre de Jérusalem ». Les archives historiques mentionnent en effet un certain saint Conon, martyr chrétien de Nazareth, parent éloigné de la famille de Jésus et exécuté en Asie Mineure en 249. D'autres informations figurent également sur l'une des parois de cette cave recouverte de six couches de plâtre. Une inscription peinte en rouge, antérieure au IVe siècle, exprime une supplication angoissée : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aidez votre servante Valeria ... et faites passer la douleur ... Amen ».

        Ces indices émouvants témoignent que le lieu était déjà considéré comme saint par des chrétiens à partir des IIIe-IVe siècles.



La mosaïque du diacre Conon
(codexbezae.perso.sfr.fr).

 

        Autour de la basilique, l'équipe du père Bagatti trouva des traces d'occupation s'échelonnant sur plusieurs millénaires avant et après J.-C. La ville est construite sur un réseau dense de cavités naturelles, susceptibles d'avoir servi d'habitations dans des temps reculés. Quelques traces d'occupation humaine ont été mises au jour, mais pendant longtemps aucune construction maçonnée datant du Ier siècle ne fut trouvée. Cette lacune a semé le doute chez certains érudits qui en ont conclu que le village de Nazareth n'existait pas encore au temps de Jésus [2]. Ce problème a alimenté une controverse pendant des décennies.

 

Une maison juive du Ier siècle


       Il existe certes à Nazareth d'autres sites associés à la sainte famille par la tradition. Ainsi une fontaine de la Vierge, un atelier de Joseph le charpentier et les restes d'une ancienne synagogue peuvent être visités. Ces vestiges ont livré des artéfacts d'époque romaine tardive, mais ne prouvent pas l'existence d'un village véritable au temps de Jésus [3].

Que les pélerins attachés à la tradition biblique se rassurent : les doutes sur l'ancienneté du village ont apparemment été levés. Lorsqu'en 2009 la construction d'un grand centre pédagogique multimédia dédié à Marie fut entreprise à côté de la basilique de l'Annonciation, le creusement de ses fondations permit de découvrir des restes d'anciens murs d'habitations. Le terrain fut fouillé par le Service des antiquités d'Israël sous la direction de Yardenna Alexandre, qui identifia un enclos maçonné comprenant deux pièces, une cour, une citerne, un abri et des jarres de craie. Détail important, ce matériau est caractéristique des poteries juives du Ier siècle car il est rituellement plus pur que l'argile. Ces ruines sont donc celles d'une maison juive qui date certainement de l'époque de Jésus-Christ [4][5].







Maison juive du Ier siècle à Nazarerth
(wiki.faithfutures.org).



La tombe du Juste

 

        Il arrive que des lieux réputés saints d’après la seule tradition locale voient leur crédibilité brusquement renforcée par l'archéologie. A quelques dizaines de mètres au Nord de la basilique de l'Annonciation, un vieux couvent de religieuses fit un jour l'objet d'une étonnante découverte [6][7]. Le terrain avait été acheté au XIXe siècle par les soeurs de Nazareth à des habitants qui affirmaient que sous ce terrain se trouvait la « tombe du Juste ». De quel « Juste » s’agissait-il ? Etait-ce saint Joseph, père adoptif de Jésus à Nazareth et qualifié d' « homme juste » dans l'évangile de Matthieu (1,19) ? Quelques années plus tard, en 1884, un ouvrier qui travaillait dans la cour du couvent sentit soudain le sol se dérober sous ses pieds. Il fit une chute de deux mètres et se retrouva au milieu d'une ancienne salle voûtée.

        Les religieuses entreprirent alors elles-mêmes des fouilles. Le sous-sol livra des vestiges superposés remontant à plusieurs époques : une église byzantine et médiévale, une habitation privée, des bains rituels, un dallage romain et enfin un réseau profond de caves naturelles accessibles par plusieurs escaliers successifs. L'une de ces cavernes était aménagée en chapelle, avec un autel de pierre et une odeur d'encens persistante. Au niveau le plus bas, une pierre roulée fermait l'entrée d'un tombeau rupestre.






T
ombe rupestre trouvée
sous le couvent des soeurs de Nazareth
(bible-archaeology.info).



        L'ouverture de cette tombe révéla qu'elle contenait deux niches funéraires vides, un squelette assis dans un angle et divers objets datant de l'époque des croisés : une bague, des lampes à huile et des pièces de monnaie. Le mobilier était d’époque croisée, mais l'agencement de la tombe était typique du Ier siècle.

        La plupart de ces objets furent imprudemment confiés à des pélerins pour expertise, et on ne les revit jamais. Malgré cette perte regrettable, l'ensemble des informations recueillies indiquait que le culte d'un saint avait été pratiqué dans cette cave. En l'absence de plus de précision, la « tombe du Juste » de Nazareth demeurait candidate pour être celle de Joseph le charpentier.

La maison d'enfance de Jésus ?


        Des précisions importantes furent cependant apportées lors de nouvelles fouilles, entreprises en 2006 sur le même site par l’archéologue britannique Ken Dark, de l’université de Reading [8]. Elles livrèrent quelques objets du début de l’époque romaine, dont des fragments de vaisselle de calcaire indiquant là aussi une occupation juive. L’habitation en partie creusée dans la roche intégrait un point d’eau et deux tombes, manifestement taillées peu de temps après son abandon. Le bon état de conservation de l’ensemble était dû à l’église byzantine construite par-dessus.


     




La "maison de Jésus"
sous le couvent des soeurs de Nazareth
(livescience.com).



       Un rapprochement fut proposé avec un texte intitulé De Locus Sanctis, émanant du pélerin du VIIe siècle Adomnan d’Iona, et qui parle de l’ « église de la Nutrition », c’est-à-dire de l’enfance du Christ. Il décrit une église construite à Nazareth sur des voûtes et qui coiffe une source et deux tombes, entre lesquelles se tient la maison où Jésus aurait grandi. Cette disposition correspond exactement au site du couvent de Nazareth. Dès lors, l’archéologue Ken Dark identifia le site à la maison de l’enfance de Jésus, ou du moins à celle que les pélerins byzantins considéraient comme telle. Certes, la « tombe du juste », plus récente, ne pouvait plus être celle du charpentier Joseph, mais l’habitation elle-même devenait celle de Jésus et de sa famille.





 
Plan du site de la "maison de Jésus"
sous le couvent des soeurs de Nazareth
(subcreators.com/blog).









Références :

[1] - B. Bagatti : “Excavations in Nazareth”. Franciscan Printing Press, 1969.
[2] - R. Salm : “The Archaeology of Nazareth: A History of Pious Fraud?” SBL: November 17, 2012. http://www.nazarethmyth.info/SBL_2012_Salm_(Nazareth).pdf.
[3] - G. Jenks : « The Quest for the Historical Nazareth ». School of Theology, Charles Sturt University, 2013.
http://www.academia.edu/3988852/The_Quest_for_the_Historical_Nazareth.
[4] - D. Hadid : « First Jesus-Era House Discovered in Nazareth ». APA 2009, december 21. http://phys.org/news/2009-12-jesus-era-house-nazareth.html.
[5] - “Residential building from the time of Jesus exposed in Nazareth”. Israel Antiquities Authority, 21 dec. 2009. http://mfa.gov.il/MFA/IsraelExperience/History/Pages/
Residential_building_time_Jesus_Nazareth_21-Dec-2009.aspx.
[6] - K. Dark : “Early Roman-Period Nazareth and the Sisters of Nazareth convent”. The Antiquaries Journal, Volume 92, September 2012, pp 37-64.
[7] - K. Dark : “The Byzantine Church of the Nutrition in Nazareth Rediscovered ». Palestine Exploration Quarterly, 144, 3 (2012), 164–184. http://subcreators.com/blog/wp-content/uploads/2015/03/Dark-Byzantine.pdf
[8] - K. Dark : “Has Jesus’ Nazareth house been found ?” Biblical Archaeology Review, (2015) 41 (2). pp. 54-63. http://www.biblicalarchaeology.org/bar-issues/march-april-2015/#toc.









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Bethléem


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