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La crucifixion









 

L'exécution de Jésus, telle qu'elle est rapportée dans les évangiles, est précédée du récit des épreuves qui lui furent infligées. Dès la sentence prononcée Jésus fut maltraité, flagellé, coiffé par dérision d'une couronne tressée d'épines, puis dirigé vers le lieu d'exécution. Il fut contraint de porter sa croix et fit plusieurs chutes en subissant les coups des soldats. Un passant nommé Simon de Cyrène fut réquisitionné pour l'aider à porter son fardeau.

Les Ecritures désignent le lieu de la mise à mort par le mot "Golgotha", qui signifie "crâne" en hébreu et qui se trouvait à l'extérieur du rempart. On peut croire que l'itinéraire suivi correspond à l'actuelle Via dolorosa, une ruelle qui traverse d'Est en Ouest le centre ancien de Jérusalem, à partir du couvent de l'Ecce homo et jusqu'à la Basilique du Saint-Sépulcre.

          Jésus fut cloué sur la croix en même temps que deux autres condamnés. Un écriteau portant la mention : "Jésus le Nazaréen, roi des Juifs" fut fixé au-dessus de sa tête. Une foule de témoins hostiles assista à l'affreuse agonie en l'insultant. Quelques-uns de ses proches étaient également présents, dont sa mère, l'apôtre Jean et Marie de Magdala. Les soldats récupérèrent même ses vêtements en se les partageant par tirage au sort. On lui tendit à boire une éponge imbibée de vinaigre qu'il refusa de prendre. Vers la sixième heure (environ midi)¸ le ciel s'assombrit et demeura obscur jusqu'à la neuvième heure (trois heures de l'après-midi), moment où il mourut à l'issue de douleurs extrêmes.






La crucifixion, fresque du VIIIème siècle.
Eglise de Santa Maria Antiqua, Rome
(archeoroma.beniculturali.it).


 

            Si l'on en croit les Ecritures, l'instant de sa mort s'accompagna de phénomènes extraordinaires : séisme, fissuration du sol, déchirement du rideau du Temple et résurrection des morts dans les cimetières. Le centurion s'en émut et reconnut Jésus comme le "fils de Dieu", tandis qu'un autre soldat lui perçait la poitrine d'où sortirent du sang et de l'eau. Entretemps on avait brisé les jambes des autres crucifiés pour hâter leur mort, mesure épargnée à Jésus qui avait déjà expiré (Mt. 27, Mc. 15, Lc. 23, Jn. 19).

            Le récit de cet évènement fondateur contient des faits dont la crédibilité relève de la foi. Cependant les informations figurant dans ces textes nous ont permis de retrouver quelques éléments concrets relatifs au martyre.





Graffiti romain du IIIe siècle représentant par dérision
le Christ crucifié avec la tête d'un âne
(timothypauljones.com).



Les témoignages historiques


         Les plus anciens échos de la crucifixion de Jésus de Nazareth apparaissent dans la littérature antique des Ier et IIe siècles. Ce sont des écrits émanant d'historiens non chrétiens qui évoquent l'existence de Jésus-Christ et sa condamnation à mort. Le plus important d'entre eux est sans doute celui de Flavius Josèphe (37-97), qui écrivit vers 93 dans ses Antiquités judaïques :

         "En ce temps-là paraît Jésus, un homme sage, si toutefois il faut l'appeler un homme, car c'était un faiseur de prodiges, un maître des gens qui recevaient avec joie la vérité. Il entraîna beaucoup de Juifs et aussi beaucoup de Grecs ; Celui-là était le Christ. Et quand Pilate, sur la dénonciation des premiers parmi nous le condamna à la croix, ceux qui l'avaient aimé précédemment ne cessèrent pas".

         Au début du IIe siècle, l'historien romain Tacite (v. 55-120 ap. J.-C.) déclare dans ses Annales (15, 44) à propos d'un incendie ayant ravagé la ville de Rome : "Néron accusa ceux que leurs abominations faisait détester et que la foule appelait chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, qui fut condamné sous le principat de Tibère par le procurateur Ponce Pilate. Réprimée sur le moment, cette détestable superstition perçait de nouveau, non pas seulement en Judée mais encore à Rome".

 



Portrait de Tacite, réalisé
d'après un supposé buste antique
(fr.wikipedia.org).



Page des Annales de Tacite (15, 44)
où sont mentionnés le Christ et les chrétiens
(en.wikipedia.org).



Un orateur syrien du IIe siècle, Lucien de Samosate (125-192), affirme également que le fondateur du christianisme a été crucifié : "Celui qui est honoré en Palestine, où il fut mis en croix pour avoir introduit ce nouveau culte parmi les hommes ... Le premier législateur [des chrétiens] les a encore persuadés qu'ils sont tous frères. Dès qu'ils ont une fois changé de culte, ils renoncent aux dieux des Grecs et adorent le sophiste crucifié dont ils suivent les lois".

Citons enfin un document judaïque, le Talmud de Babylone (Sanhédrin 43a), compilé à partir du IIIe siècle et qui indique : "La veille de Pâques, on a pendu Yéshu (Jésus). Pendant les 40 jours qui précédèrent l’exécution, un héraut allait en criant : 'Il sera lapidé parce qu'il a pratiqué la magie, trompé et égaré Israël. Si quiconque a quelque chose à dire en sa faveur, qu’il s’avance en son nom.' Mais on ne trouva personne qui témoignât en sa faveur et on le pendit la veille de Pâques" [1][2]. 





Exemplaire du Talmud babylonien
(cdisys.com).


La crucifixion dans l’Antiquité

 

        En-dehors de son application au personnage de Jésus, la pratique de la crucifixion à l’époque romaine est attestée par d’autres textes anciens. Cette méthode d'exécution qui consistait à suspendre ou clouer les condamnés sur des planches de bois pour provoquer leur mort par asphyxie fut d'abord pratiquée chez les Celtes, les Perses et les Phéniciens avant d'être introduite chez les Romains. Ceux-ci l'utilisèrent parfois en masse, comme en 71 av. J.-C. lorsque six mille partisans de l'insurrection spartakiste furent crucifiés sur la Via Appia, ou lors de la révolte juive de 70 ap. J.-C. quand le général Titus fit crucifier des milliers de Juifs à Jérusalem. Considéré comme la plus cruelle des formes de mise à mort, ce supplice fut finalement interdit au IVe siècle par l'empereur Constantin.

        Pendant longtemps on ne disposa pas de trace matérielle de cette pratique barbare, jusqu'à ce qu'en 1968 l'archéologue israélien Vassilios Tzaferis découvre dans une tombe de Givat ha-Mivtar, près de Jérusalem, le squelette d'un homme qui avait été crucifié [3]. Le corps trouvé dans un sarcophage avait les chevilles traversées de part en part par un clou long de 17 centimètres. L'état des poignets montrait qu'ils avaient également été percés de clous. Le tibia gauche présentait une fracture, indiquant qu'il avait reçu le coup de grâce comme le notent les évangiles. Le talon avait éclaté, témoignant de la violence des coups portés par le bourreau.

        Le nom gravé sur le cercueil précise l'identité du condamné : Yohan, fils de Hagakol. Son exécution date probablement de l'an 70, moment où Titus ordonna la crucifixion de plusieurs milliers de Juifs. Cette découverte est l’unique preuve archéologique connue de la réalité de la crucifixion en Israël.





Talon de l'homme crucifié de Jérusalem
(timesofisrael.com).



La date de la crucifixion de Jésus


        Ceux qui reconnaissent la réalité historique de la Passion de Jésus-Christ ont cependant encore à résoudre le problème de sa chronologie. En deux millénaires de chrétienté, de nombreux savants ont tenté de retrouver par le calcul la date précise de l'évènement, sans pour autant parvenir à un véritable consensus.

        Les calculs se fondent d'abord sur les indices temporels fournis par les textes bibliques. Des évangiles il ressort que l'exécution a eu lieu une veille de sabbat, donc un vendredi, et que la Pâque juive tombait cette année-là un samedi. Or d'après l'Ancien Testament (Ex. 12,18), la Pâque juive se place le 14 ou le 15 du mois de Nisan (mars-avril). Par ailleurs, nous savons par des sources historiques que le gouverneur Ponce Pilate fut préfet de Judée de 26 à 36. Durant cette décennie, il se trouve seulement cinq années pour lesquelles le 14 ou le 15 de Nisan tombe un samedi. Par recoupements, les historiens retiennent fréquemment les deux dates les plus plausibles pour la crucifixion, celles du vendredi 26 mars 30 et du 3 avril 33.





Le calendrier hébreu
(johnpratt.com).


Un moyen de départager ces deux possibilités se trouve peut-être dans le récit de la Passion lui-même, qui décrit la survenue de phénomènes surnaturels et spectaculaires perçus par les témoins de la scène.

Le premier élément de comparaison concerne les ténèbres qui auraient accompagné la crucifixion de Jésus. A ce propos, l'auteur chrétien Jules l’Africain (v. 160-240) cite un historien mal connu du Ier siècle, un certain Thallus : "Thallus, au troisième livre de son Histoire, explique cette obscurité par une éclipse, ce qui me parait inacceptable !" [4].

        Il est certes tentant d'attribuer à une éclipse l'obscurité signalée dans le récit. En fait une éclipse de Soleil (le Soleil masqué par la Lune) n'est pas envisageable, car la Pâque juive a toujours lieu en période de pleine Lune et les éclipses de Soleil sont alors impossibles. Seule une éclipse de Lune (la Lune dans l'ombre de la Terre) peut se produire pendant cette période, mais en aucun cas elle ne peut expliquer une telle obscurité, et certainement pas pendant trois heures.

        Jules l’Africain cite également l'historien Phlégon de Tralles, qui aurait mentionné l'observation d'une éclipse anormale à cette époque : "Phlégon rapporte qu'au temps de César Tibère, pendant la pleine Lune, il y eut une éclipse totale de Soleil de la sixième à la neuvième heure" [5].

Ce passage paraît concorder de manière surprenante avec les évangiles. Un texte comparable du même Phlégon et cité par saint Jérôme (347-420) en dit davantage : "La quatrième année de la 202ème Olympiade, une éclipse de soleil se produisit, plus importante et plus extraordinaire que toutes les précédentes. A la sixième heure, le jour se transforma en nuit noire de sorte que les étoiles furent visibles dans le ciel. Un tremblement de terre ébranla en Bithynie de nombreuses constructions dans la ville de Nicée" [6].

Ces affirmations reprises par des auteurs chrétiens ont certes pu être influencées par le contexte religieux de leur époque ; quoi qu’il en  soit, cet extrait donne un élément chronologique, car la 202ème olympiade correspond à l'an 32 ou 33 de notre ère. Ce qui n'explique pas l'origine de l'obscurité, à moins de croire à un véritable miracle au sens strict.





La Lune prend parfois une couleur rougeâtre
pendant une éclipse de Lune
(zenit-photo.com).



Une étude publiée en 1983 dans la revue Nature par deux physiciens de l'université d'Oxford, Colin J. Humphreys et W. Graeme Waddington, reprenait la piste de l'éclipse de Lune en supposant que la Lune ait pris ce jour-là une couleur rougeâtre, comme pourrait le suggérer l'interprétation de certains textes [7]. Ces chercheurs constataient avec surprise qu'une telle éclipse avait effectivement eu lieu le 3 avril 33, l'une des deux dates déjà pressenties par ailleurs. Cette date emportait donc leur adhésion pour s'apparenter à celle de la mort du Christ. Quant à l'origine de l'obscurité, elle serait due à un phénomène de vent des sables. Cette conclusion est-elle satisfaisante ? A défaut d'un scénario plus convaincant ou plus complet, le mystère demeure.





Références :

[1] - "Jésus a-t-il réellement existé ? Y a-t-il des preuves historiques de son existence ?" (gotquestions.org).
[2] - P. et D. Oddon : "Jésus Christ : preuves de son existence historique" (info-bible.org).
[3] - V. Tzaferis : "Crucifixion - The archaeological Evidence". Biblical Archaeology Review, Jan/Fev. 1985, 44-53 (biblicalarchaeology.org).
[4] - G.W. Bromiley : “Jésus Christ”, International Standard Bible Encyclopedia, Vol. 2, E-J, p. 1034 (books.google.fr).
[5] - Ben C. Smith : "Phlegon of Tralles on the passion phenomena" (textexcavation.com).
[6] - Ibid.
[7] - C. J. Humphreys et W.G. Waddington : "Dating for the crucifixion". Nature, volume 306, 22-29 décembre 1983.








La suite :
Golgotha et le tombeau de Jésus-Christ


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