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Le siège manqué de
Jérusalem
en 701 av. J.-C. avait laissé le royaume de Juda en-dehors de la
domination assyrienne, ce qui lui permit de se maintenir encore pendant
quelques décennies. Mais cent ans
plus
tard, le puissant empire assyrien fut à son tour abattu par celui de
Babylone. Le
roi babylonien Nabuchodonosor II conquit à son tour la Mésopotamie et
le
Proche-Orient. A Jérusalem, le roi hébreu Joakin eut la mauvaise idée
de refuser
de se soumettre, ce qui provoqua la réaction vigoureuse des Chaldéens.
Ceux-ci
déferlèrent sur Juda, assiégèrent Jérusalem et s'emparèrent de la ville
en 598
av. J.-C. Joakin et sa cour, tombés aux mains de Nabuchodonosor, furent
emmenés
à Babylone, tandis que le vainqueur instaurait à sa place un nouveau
roi hébreu
qui devenait son vassal, Sédécias.
Dix
ans après la chute de Jérusalem, le Judéen Sédécias se souleva à son
tour
contre Babylone. Cette nouvelle imprudence politique provoqua en
représailles
un deuxième siège de la ville, en 587 av. J.-C., toujours sous
Nabuchodonosor
II. Malgré les conseils de soumission du prophète Jérémie, Sédécias
prit la
fuite par une brêche percée dans la muraille, mais fut intercepté près
de
Jéricho. Sa capitale fut à nouveau prise et cette fois terriblement
ravagée. Le
Temple fut détruit, le rempart abattu et les habitations dévastées. La
population fut déportée massivement en Mésopotamie et réduite en
esclavage : c'est
l'exil à Babylone, qui allait durer une cinquantaine d'années (2 R.
24-25 ; 2
Chr. 36).
Des
indices liés au siège tragique de Jérusalem ont
été retrouvés, notamment dans le palais du roi David découvert par
Eilat Mazar
en 2005. A côté des éléments datant du Xe siècle, on mit au jour
quelques artéfacts
montrant que ce palais continua à être habité après David jusqu'au
siège
babylonien. Par exemple, deux petits sceaux d'argile exhumés sur place
portaient
les noms de deux personnages hébreux : "Juchal, fils de Sélémias, fils
de
Shovi", et "Gédélias, fils de Phassur" [1].

Sceau de
Juchal, fils de Sélémias
(diggingsonline.com).
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Sceau de
Gédélias, fils de Passur
(diggingsonline.com).
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Ces expressions correspondent
exactement aux noms et filiations de deux fonctionnaires royaux
mentionnés dans
le livre de Jérémie. Ils étaient tous deux au service du roi de Juda
Sédécias au
moment du siège mis par les Babyloniens et leur roi Nabuchodonosor. Ils
font
partie des quatre ministres de Sédécias qui demandèrent à leur
souverain de
faire périr le prophète Jérémie dont ils jugeaient le discours trop
défaitiste
(Jér. 38, 1-2).
"Saphatias fils de
Mathan, Gédélias
fils de Phassur, Juchal fils de Sélémias, Phassur fils de Melchias,
entendirent
les paroles que Jérémie adressait à tout le peuple, en disant :
Ainsi
parle Yahveh : quiconque restera dans cette ville mourra par le
glaive,
par la famine ou par la peste ; quiconque sortira pour se rendre
aux
Chaldéens vivra …".
Le
récit du livre de Jérémie se poursuit par
l’arrestation du prophète pendant le siège, et par son enfermement au
fond d'une
citerne boueuse. Il en fut heureusement tiré par un eunuque éthiopien,
Abdémélech. Mais peu de temps après, la prophétie se réalisa : la
ville fut
prise et une partie de ses habitants furent déportés à Babylone (587
av. J.-C.).

Nabuchodonosor II, roi
de Babylone
(gilgameshakkad.wordpress.com).
L'empire babylonien contrôlait
alors le plus vaste territoire
de son histoire. Il comprenait la Mésopotamie, la Syrie, la Palestine
et une
partie de l'Arabie. La grande cité de Babylone, réputée pour ses moeurs
barbares,
a été fouillée par l'archéologue allemand Robert Koldewey entre 1899 et
1917.
Les résultats furent spectaculaires et riches en vestiges d'ouvrages
monumentaux.
Cette période dite "néo-babylonienne" vit la capitale devenir la plus
prestigieuse cité de l'Orient antique. Nabuchodonosor II fit
reconstruire la vieille
ziggurat, bâtir de nouveaux temples, jeter un pont sur l'Euphrate,
restaurer le
rempart à double enceinte, élever la magnifique porte d'Isthar, tracer
une
large avenue processionnelle bordée d'images de lions, édifier un vaste
palais
et aménager des jardins suspendus. Le peuple de Juda déporté à Babylone
fut
sans doute témoin du faste de ces aménagements.

La cité de Babylone
en partie restaurée
(atour.com).
Comme l'avaient fait les
Assyriens, les Babyloniens
pratiquèrent à l'égard des populations soumises une politique de
migrations
forcées. Beaucoup d’habitants de Juda furent transférés à Babylone. La
plupart cependant
purent vivre dans des conditions correctes. Ils réussirent à s'intégrer
dans
leur pays d'adoption tout en conservant leur identité juive spécifique.
L'exercice de professions qualifiées facilita la transmission de leur
patrimoine intellectuel et religieux.
Certains d'entre eux accédèrent
même à des positions
sociales élevées. C'est le cas du prophète Daniel, qui fut employé à la
cour de
Nabuchodonosor et qui devint l’interprète des rêves nocturnes du roi.
Il fut plus
tard appelé par son successeur le vice-roi Balthasar pour déchiffrer
une
inscription énigmatique, apparue miraculeusement sur un mur lors d'un
festin.
Elle annonçait la mort imminente du prince, coupable d'avoir volé les
objets
sacrés du Temple de Yahweh ; Balthasar fut effectivement tué la nuit
suivante
(Dn. 5).
Vue
reconstituée de
Babylone
(herodote.net).
Pendant la période d'exil, la
capitale de Juda demeura déserte et ruinée. Le prophète Jérémie, qui
était
demeuré sur place, s'en affligeait et entretenait une correspondance
avec les
exilés. Son secrétaire, le scribe Baruch, est présenté dans l'Ancien
Testament comme "Baruch, fils de Néri, fils de
Maasias" (Jér. 32, 12). L'existence de Baruch est attestée par un
sceau découvert en 1975 au Sud de Jérusalem, sur lequel figurent un nom
et une
paternité : "Appartenant à Baruch, fils de Néri, le scribe". Les
détails de l'inscription laissent peu de doute quant à l'identité du
personnage.
Les Babyloniens
laissèrent Jérusalem sous l'autorité d'un gouverneur nommé Godolias,
mais
celui-ci fut assassiné par des Judéens dissidents. Craignant les
représailles,
un groupe de Juifs s'enfuit en Egypte en emmenant le prophète Jérémie.
A
l'opposé, beaucoup de Juifs déportés en Chaldée espéraient rentrer un
jour dans
le pays qui leur avait été attribué par le dieu de leurs pères.

Sceau au nom de Baruch,
secrétaire de Jérémie
(scripture-for-today.blogspot.com).
Références :
[1] - “The Babylonian
Chronicles”. The British Museum, No
24 WA21946. Cité dans :
https://en.wikipedia.org/wiki/Nebuchadnezzar_Chronicle.
[2] - C.E. Fant, M.G. Reddish : “Lost Treasures of the Bible: Understanding the Bible Through
Archaeological Artifacts in World Museums”. Wm. B. Eerdmans Publishing,
Grand Rapids 2008, p. 218.
[3] - E. Mazar : “The Palace
of King David : Excavations of the Summit of the City of David. Preliminary
Report of Seasons 2005-2007”. Jerusalem, Shoham Academic Research and
Publication, 2009, pp. 66-71. Cité dans : M. et E. Lubetski (Ed.) : ”New
inscriptions and Seals Relating to the Biblical World”. Society of Biblical Litterature,
Atlanta 2012.
[4] - N. Avigad : “Jerahmeel &
Baruch”. Biblical Archaeology Review 42.2 (1979), pp.
114-118.
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