L'immense empire médo-perse
constitué
par Cyrus II et Darius Ier perdura jusqu'à ce qu'il fût à son tour
brisé par le
royaume de Macédoine. En 333 avant notre ère, Alexandre le Grand écrasa
à Issos,
en Asie Mineure, l'armée du puissant Darius III Codoman. Le roi vaincu
fut
poursuivi par Alexandre jusqu'en Perse, où il fut tué alors qu'il
allait être
capturé. Son vaste empire tomba tout entier aux mains du roi de
Macédoine (330).
La bataille d'Issos.
Mosaïque de Pompéi
(larousse.fr/encyclopedie).
Dans ce contexte, la région de Juda
passa elle aussi sous la domination gréco-macédonienne. Deux livres
bibliques
successifs se font l'écho de l’histoire des Juifs durant la période
grecque. A
la mort d'Alexandre en 323, l'empire grec fut l'enjeu de guerres de
succession
qui aboutirent à son découpage en trois parties. Le général Ptolémée
s’empara
de l’Egypte et y fonda une dynastie de pharaons grecs, appelée
ptolémaïque ou
lagide, tandis que la Syrie tombait dans les mains du général Séleucus
qui
inaugura la dynastie des Séleucides. Le territoire hébreu fut rattaché
à
l'Egypte, alors que l’Egypte et la Syrie se disputaient les territoires
du
Levant.
La culture grecque
imprégna profondément l’empire d’Alexandre sous ses successeurs.
Beaucoup de
Juifs furent héllenisés et adoptèrent la langue grecque, les vêtements
grecs et
assistèrent aux spectacles et aux jeux importés de Grèce. Ils furent
cependant libres
de pratiquer leur religion même s’ils ne comprenaient plus l’hébreu.
Alexandrie
devint un foyer intellectuel majeur du judaïsme hellénistique.

Le roi de Syrie
Antiochus IV Epiphane
(en.wikipedia.org).
La Bible des « Septante »
La
vitalité du judaïsme hellénistique en Egypte est illustrée par un évènement
littéraire de l’époque, relaté avec grandiloquence par un auteur antique. Vers
l'an 270 avant notre ère, le pharaon Ptolémée II prit une décision
inédite : il entreprit de faire traduire la Bible hébraïque en langue
grecque.
Ptolémée II (283-247 av. J.-C.), surnommé
Philadelphe car il avait épousé sa sœur, s’efforçait de mener une politique de conciliation
entre les différentes communautés de son territoire : Egyptiens, Grecs et
Israélites. L’idée de faire réaliser une version grecque de l’Ancien Testament est
attribué au fondateur de la bibliothèque d’Alexandrie, le philosophe grec Démétrios
de Phalère. Les circonstances de la traduction sont relatées dans un récit
légendaire, la « lettre d'Aristée », émanant d’un officier de
Ptolémée II.

Statue du pharaon Ptolémée II
Philadelphe
(image : http://mv.vatican.va).
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Monnaie à l'effigie du roi
Ptolémée II Philadelphe
(perso.wanadoo.fr/spqr).
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Le
roi d’Egypte aurait demandé aux prêtres juifs de Jérusalem l’envoi d’une équipe
de traducteurs, en échange de la libération d'un groupe de prisonniers judéens.
Ptolémée obtint satisfaction et reçut à Alexandrie une délégation de
soixante-douze traducteurs. Le pharaon accueillit les érudits avec les plus
grands honneurs et les invita à la table royale. Il les questionna longuement, puis
les conduisit dans une île où ils s’installèrent et traduisirent chacun
indépendamment l'intégralité de la Bible. Leurs travaux terminés, il s'avéra
que les soixante-douze versions étaient identiques !
Vue imaginaire de l''île de Pharos
(users.bigpond.com/MSN/gary_fletcher).
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L'un des plus vieux extraits de la
Bible :
le codex Crosby-Shoyen, daté du IIIe s.
(nb.no/baser/schoyen).
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Aujourd'hui,
la « lettre d'Aristée » est considérée comme une fable, et la
traduction comme un travail ayant débuté sous Ptolémée II pour se
terminer au
tournant de notre ère. Quelles que soient les circonstances de sa
composition,
la « Bible des Septante » fut dans un premier temps bien
accueillie
par la société hébraïque, mais plus tard rejetée à cause du caractère
considéré comme intraduisible du texte sacré. Dès lors elle ne fut plus
utilisée que par les
chrétiens.
Les
plus anciennes copies de la Bible grecque d'Alexandrie sont
essentiellement le codex sinaiticus et le codex vaticanus, deux
exemplaires
presque complets qui datent du IVe siècle de notre ère. Le premier
vient du
monastère Sainte-Catherine dans le Sinaï et appartient aujourd'hui à la
British Library, tandis que le second
est conservé à la bibliothèque du Vatican. Ces deux manuscrits semblent
avoir
fait partie d'une collection de cinquante exemplaires commandés par
l'empereur
Constantin au théologien Eusèbe de Césarée.
L'un
des plus anciens exemplaires
de la Septante : Le codex sinaïticus
(christianismus.it).
|
Un
autre exemplaire ancien
de la Septante : Le codex
vaticanus.
(fr.wikipedia.org).
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La révolte des « Macchabées »
Si la période grecque fut plutôt
favorable à la communauté juive d’Egypte, il n’en fut pas de même pour celle demeurée
en Terre sainte. En 197 av. J.-C., une victoire militaire de la Syrie séleucide
sur l’Egypte ptolémaïque fit passer Juda sous la coupe des rois de Syrie. L’une
des conséquences de ce changement fut l’abolition de la liberté de culte en
167, lorsque le roi séleucide Antiochus Epiphane officialisa la religion
hellénistique et imposa partout le culte des dieux grecs. Le Temple de
Jérusalem fut profané par le sacrifice d’un porc à Zeus olympien, tandis que des
autels païens étaient élevés partout en terre hébraïque. Pour les Juifs de Juda
restés fidèles au monothéisme, ces mesures étaient inacceptables : il n'en
fallut pas davantage pour provoquer une révolte.
Deux
livres bibliques dits « des Macchabées » se font l'écho de l’histoire
de la révolte juive contre la Syrie. L'insurrection fut déclenchée par le
prêtre juif Mattathias Hasmon, qui provoqua un incident lors d’une cérémonie
païenne. Refusant d’offrir des sacrifices aux dieux païens, il tua un officier
syrien en pleine célébration, et s’enfuit aussitôt dans les montagnes avec ses
cinq fils. Dès lors, le petit groupe fut rejoint par d’autres opposants, et une
résistance armée s'organisa à partir de la région des collines. Cette révolte dite
« des Macchabées » doit son appellation au surnom que portait le fils
de Mattathias, Judas Macchabée, et qui signifie « le marteau » en
araméen.
Les
insurgés commandés par Judas et ses frères menèrent une guérilla efficace. Gagnant
peu à peu du terrain, ils réussirent bientôt à reconquérir Jérusalem. En 164
av. J.-C., le culte monothéiste fut rétabli dans le Temple. La commémoration de
cet évènement symbolique deviendra la fête juive de Hanouka.

Lampes à huile
d'époque macchabéenne
(archaeological-center.com).
Fort
de ces succès, le dernier fils de Mattathias, Simon, négocia avec la Syrie et
obtint en 141 av. J.-C. le retrait des troupes d’occupation. Le pays hébreu, redevenu
indépendant, fut dès lors gouverné par les vainqueurs de l’insurrection, Simon
et ses sucesseurs, qui prirent le titre de grands-prêtres et ensuite de rois :
c'est la dynastie hasmonéenne.
Jean
Hyrcan, fils de Simon, poursuivit la reconquête du pays en s’emparant d’une
partie de la Transjordanie, de la Samarie et de l’Edom. Sous son fils Alexandre
Jannée, le royaume juif s’agrandit encore. Mais ces succès furent éphémères à
cause des dissensions qui apparurent bientôt dans la famille royale. En effet,
les deux fils d’Alexandre Jannée, Hyrcan II et Aristobule II, se disputèrent le
pouvoir. Ce conflit allait servir les intérêts des Romains, présents dans la
région, en leur donnant l’occasion de s’emparer de la Judée.
En 63 av. J.-C., le
général Pompée, qui venait de conquérir la Syrie, fut appelé comme arbitre
entre les deux princes hasmonéens pour désigner celui qui accèderait au trône.
Pompée se prononça pour Hyrcan II, et avec l’aide de ses légions s'empara de
Jérusalem où s’étaient retranchés les partisans d’Aristobule. Le vainqueur
accorda à Hyrcan II le titre de grand-prêtre, mais la Judée devint en réalité
assujettie à Rome. Les troupes de Pompée occupaient désormais la Terre sainte, mettant
définitivement fin à l’indépendance judéenne.
Références :
[1] - "La
traduction de la Torah en Grec selon Aristée et Philon d'Alexandrie"
(oboulo.com).
[2] - "La
Septante, première traduction de la Bible" (akadem.org).
[3] -
C.
David : "Cette
Bible qu’on appelle Septante. Miracle à
Alexandrie". Le Nouvel Observateur,
24/12/1992, p. 76.
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