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La composition  

des évangiles 









 

          Si la religion fondée par Jésus-Christ connut un développement très important, ce n'est paradoxalement pas en Terre sainte qu'elle eut le plus de succès. Le contexte de son émergence peut être approché par l'étude de ses textes fondateurs, au premier rang desquels figurent bien sûr les quatre évangiles. Préciser l'identité de leurs auteurs, mieux cerner l'époque et les lieux de leur rédaction aidera à mieux appréhender l'essor du phénomène chrétien.

 

Les évangiles canoniques

 

Le Nouveau Testament fournit peu d'informations sur l'identité des auteurs des quatre évangiles dont les noms sont Matthieu, Marc, Luc et Jean, que ce soit sur leurs vies ou sur les circonstances du travail de rédaction.

L'essentiel de ce nous savons sur la personnalité des évangélistes vient de ces textes eux-mêmes et d'autres sources littéraires anciennes. Matthieu était l'un des douze apôtres, percepteur d'impôts de profession ; Marc est le surnom d'un personnage qui s'appelait Jean et qui accompagna Pierre et Paul lors de leurs voyages ; Luc était un médecin originaire d'Antioche en Syrie, et Jean un apôtre et un frère de Jacques, aussi désigné dans l'Ecriture comme "celui que Jésus aimait".

Le contexte précis de la composition des évangiles étant assez mal connu, les spécialistes de l'étude des anciens textes s'attachent aujourd'hui à tirer le maximum d'informations de cette littérature elle-même. En présence de ces documents écrits, l'exégèse classique aborde leur étude de plusieurs manières. On peut examiner leur forme linguistique et littéraire, ou bien les indices historiques qui apparaissent dans leur contenu, ou bien encore leur support physique.

L'étude littéraire a d'abord consisté à comparer entre eux les quatre textes évangéliques. Cette démarche a permis de faire des constats importants, par exemple le fait que certains passages sont quasiment identiques dans deux évangiles, et même parfois trois. D'ailleurs la similitude est telle qu’on est à peu près certain qu'ils ont une origine commune : ce sont les trois évangiles "synoptiques" (Matthieu, Marc et Luc), c'est-à-dire qui sont associés, par opposition à celui de Jean qui se distingue des trois autres.





Un très vieux document :
le papyrus Magdalen Greek P64

(members.aol.com).



Un fragment ancien de l'évangile de Jean :
le papyrus Rylands P52
(rylibweb.man.ac.uk).




Les chercheurs ont même poussé le raisonnement plus loin, en supposant que l'évangile synoptique le plus ancien devait être celui qui avait le plus de passages en commun avec les deux autres. Il s'agit en l'occurrence du texte de Marc, qui serait donc une source documentaire possible pour Luc et Matthieu.

Certains biblistes ont aussi imaginé l’existence possible d’une seconde source textuelle, qui serait inconnue mais qui se justifie par de nombreux versets communs aux évangiles de Matthieu et de Luc, quoique absents chez Marc. On l'a appelée l'énigmatique "source Q" (pour Quelle, "source" en allemand). C'est la théorie dite des deux sources, qui n’est pas réellement prouvée mais qui constitue une hypothèse de travail.

Les plus anciens fragments d'évangiles en notre possession sont écrits en grec, la langue internationale du Proche-Orient à l'époque. L'une des questions aujourd'hui débattues est de savoir si les textes originaux furent composés directement en grec, ou d'abord en hébreu, la langue religieuse du pays. Certains linguistes comme l'abbé Jean Carmignac ou Claude Tresmontant ont affirmé avoir reconnu de nombreuses expressions typiquement hébraïques derrière le texte grec, ce qui indiquerait l'existence d'une première version en langue sémitique.

La deuxième approche, celle de la recherche des indices historiques présents dans les textes, peut avoir des implications sur la date de leur rédaction. Dans cette démarche, une date-clé est celle de l'an 70, à laquelle l'armée romaine détruisit Jérusalem à l'issue de la première révolte juive. Selon si la composition des évangiles est antérieure ou postérieure à cette date, le contexte historique est différent. Ainsi les évangiles de Luc et Matthieu semblent faire allusion à cet évènement, dans un parallèle envisageable entre une prophétie annoncée par Jésus et la prise de la ville par les légions romaines (Lc. 21, 20 ; Mt. 22, 1-14). La majorité des spécialistes penchent plutôt pour une composition des quatre textes postérieure à 70.

Enfin, le support physique des livres fait aussi l'objet d'examens très poussés. Les livres de cette époque se présentent comme de longues bandes de papyrus, que le lecteur déroulait d'un côté et enroulait de l'autre à mesure de la lecture. A partir du IIème siècle, la présentation du support commença à changer et on réalisa des livres en feuilles reliées comme de nos jours, plus faciles à manipuler : les codex. Dans le même temps le matériau lui-même changea, le papyrus étant progressivement remplacé par le parchemin.

 




Fragments de l'évangile de Matthieu,
trouvés à Oxyrhynque
(csad.ox.ac.uk - © the Egypt Exploration Society).



Page de l'évangile de Luc
(law.umkc.edu/faculty).




Les plus anciens exemplaires connus des évangiles sont des fragments de papyrus isolés qui remontent aux tout premiers siècles de notre ère. Le record d'ancienneté est peut-être détenu par une relique appelée le papyrus Rylands P52, un court extrait de l'évangile selon saint Jean conservé à la John Rylands Library de Manchester. Il fut découvert au début du XXème siècle en Egypte, probablement à Oxyrhynque, et daterait des environs de l'an 125.

Une étude récente tend à détrôner ce précieux specimen au profit d'un autre candidat qui lui serait antérieur : le papyrus Magdalen P64. Il s'agit d'un ensemble de trois fragments portant un extrait de l'évangile de Matthieu, et conservés au Magdalen College d'Oxford. Achetés à l'origine à Louxor en Egypte en 1901, ils furent longtemps considérés comme datant de la seconde moitié du second siècle. Or d'après une nouvelle étude du paléographe allemand Carsten Peter Thiede, ils remonteraient plutôt aux années 30 à 70.


 



Le plus vieux fragment connu
de l'évangile de Jean, répertorié P90
(csad.ox.ac.uk - © the Egypt Exploration Society).



Le plus ancien extrait connu de l'évangile de Luc :
le P69 qui remonte au milieu du IIe s.
 (storialibera.it).

 

Cependant l'examen et l'estimation des âges des papyrus bibliques provoquent parfois de vifs débats. Ainsi, un minuscule fragment de papyrus provenant des grottes de Qumrân, répertorié 7Q5 et portant neuf lettres grecques, a été soupçonné en 1972 par le père jésuite espagnol José O'Callaghan de porter un court passage de l'évangile de Marc (Mc. 6, 52-53). Pourtant la prudence est de rigueur, car si tel est le cas cela implique d'abord que le christianisme ait été reconnu à Qumrân, ce qui est loin d'être attesté, et que d'autre part l'évangile de Marc ait été composé avant l'an 68, date de la fermeture des grottes de Qumrân. C'est pourquoi cette identification est rejetée par la majorité des spécialistes.

A côté de ces fragments isolés très anciens, on possède d'autres exemplaires d'évangiles plus récents, et en même temps plus complets. Quelques-uns ont été trouvés en Egypte, comme les papyrus Chester Beatty (IIIème siècle) et les papyrus Bodmer (IIIème siècle). D'autres exemplaires légèrement moins anciens sont à notre disposition : le codex sinaiticus, trouvé au monastère Sainte-Catherine du Sinaï et remontant au IVème siècle ; le codex vaticanus, du IVème siècle, conservé au Vatican ; le codex bezae, écrit au Vème siècle et provenant d'un ancien monastère Saint-Irénée à Lyon ; le codex alexandrinus, offert à l'Angleterre en 1627 par le patriarche de Constantinople et rédigé vraisemblablement à Alexandrie au Vème siècle.





Le papyrus Bodmer P66, daté d'entre 125 et 200
(markdroberts.com).



Le papyrus 7Q5 de Qumrân
(mc-rall.de/histnt.htm).




Il convient également de s'interroger sur le processus qui a présidé à la composition de la Bible chrétienne. Sa forme quasi-définitive s'est fixée au cours des premiers siècles, mais nous savons pourtant qu'il existait à l'origine un corpus de textes plus nombreux qui ont fait l'objet d'une sélection. Les quatre évangiles retenus sont devenus les évangiles officiels, ou "canoniques", le mot grec canon signifiant "règle".

            Le moment où ce choix a été fait nous est révélé par de vieux documents qui dressent la liste à peu près définitive des vingt-sept livres composant le Nouveau Testament. La plus ancienne de ces listes est le canon de Muratori, retrouvé en 1740 dans une bibliothèque de Milan et qui date des environs de l'an 170. Il existe d'autres listes de ce type, dressées ultérieurement par des théologiens et pères de l'Eglise et qui lui sont presque identiques. Au IVème siècle, le canon des vingt-sept livres du Nouveau Testament était pratiquement arrêté, et lorsqu'en 397 sa composition fut officialisée par le concile de Carthage, elle était déjà reconnue depuis longtemps par la plupart des communautés chrétiennes.





Un feuillet de l'évangile de Jean
du codex sinaïticus

(bl.uk - Copyright The British Library ©).



     








Références :

[1] - C. Focant : "Aux sources de l'histoire de Jésus". Dossiers d'Archéologie n° 249, déc. 1999.
[2] - R. Dupont-Roc : "La transmission du texte de Luc-Actes dans l'Antiquité". Dossiers d'Archéologie n° 279, déc. 2002 - janv. 2003.
[3] - M. D. Roberts : "Are the New Testament Gospels Reliable ?" (markroberts.com).
[4] - M.-C. Ceruti-Cendrier : "Les Evangiles, témoignages directs ou écrits tardifs ?". Dossiers d'Archéologie n° 249, déc. 1999.
[5] - F.V. Filson : “The Bodmer papyri”. The Biblical Archaeologist, Vol. 22, No 2 (may 1959), pp. 48-51.
[6] - F.V. Filson : “More Bodmer Papyri”. The Biblical Archaeologist, Vol. 25, No 2 (may 1962), pp. 50-57.
[7] - R. Thomas : ”Généralités sur le canon biblique des églises chrétiennes”. Eglise d’Arménie, Paris 2004 (eglise-armenienne.com).
[8] - F.F. Bruce : “The Canon of Scripture”. Inter-Varsity Press, autumn 1954, pp. 19-22 (biblicalstudies.org.uk).









La suite :
Les évangiles apocryphes


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