A
condition de les utiliser avec prudence, les documents apocryphes sont
susceptibles de contenir des informations véridiques complémentaires du
canon
des Ecritures. Toutefois la crédibilité de ces documents est laissée à
l'appréciation de chacun. Ainsi la vie de personnages bibliques tels
que la
mère de Jésus se trouve enrichie d'épisodes inconnus dans la Bible, qui
peuvent
être confrontés aux recherches sur le terrain, parfois avec succès.
Marie
dans les textes canoniques
Ce que le
Nouveau Testament nous apprend de la vie de la Vierge figure
essentiellement
dans les évangiles de Matthieu et de Luc. Peu d'informations sont
fournies pour
la période de la mission de son fils à travers la terre sainte. Marie
resta probablement
à Nazareth jusqu'à la mort de Jésus à Jérusalem. Elle assista effondrée
à son
supplice et à sa mise au tombeau. Quelques instants avant d'expirer,
Jésus
crucifié demanda à l'apôtre Jean de la prendre sous son toit.
Après la mort
de Jésus, il n'est pratiquement plus question de Marie dans le Nouveau
Testament, si ce n'est qu'elle semble avoir été présente auprès des
apôtres le
jour de la Pentecôte (Act. 1, 11-13). Il est possible que saint Jean
l'ait
hébergée conformément à la demande du crucifié.

Mosaïque de la Vierge à l'Enfant.
Abbaye de la Dormition, Jérusalem
(flickr.com - Kyle Simourd).
La Bible ne
donne aucune information sur les dernières années de sa vie. Mais
d'autres sources
documentaires existent comme les textes apocryphes, dont quelques-uns
parlent de la mort
de Marie. Ce type de documents semble faire écho à des lieux de
pèlerinage qui
sont visités depuis des siècles.
L'un des plus
anciens de ces textes est le Transitus
Mariae (littéralement "passage de Marie"), un traité du IIème
siècle attribué à l'évêque Méliton de Sardes, et qui relate les
circonstances
du décès de la Vierge. Il
rapporte que l'ange Gabriel lui serait apparu une seconde fois pour lui
annoncer sa mort prochaine. Marie demanda d'être assistée de la
présence les
apôtres. Les disciples de Jésus rentrèrent donc de leurs missions
respectives,
et ce fut en leur présence que la Vierge rendit l'âme. Le corps de
Marie fut
porté dans une sépulture de la vallée du Cédron ; trois jours plus tard
il fut
"emporté en Paradis". Cet événement appelé l'Assomption
dans la tradition chrétienne, est
l'élévation posthume du
corps de Marie vers le Ciel.

La mort de Marie. Fresque contemporaine
de l'abbaye de la Dormition
(holidayinisrael.com).
La mort de Marie à Jérusalem
Jérusalem
compte aujourd'hui
deux monuments en rapport avec la mort de Marie : l'abbaye de la
Dormition et
l'église de l'Assomption.
L'abbaye
de la Dormition
commémore le lieu traditionnel où la Vierge serait décédée. Bâtie sur
le mont
Sion au sud du rempart actuel et à proximité du Cénacle, elle fut
construite
entre 1900 et 1910 par des moines bénédictins allemands. L'imposant
monument de
style néo-byzantin est conçu sur un plan circulaire, et se remarque
extérieurement
par sa massive rotonde au toit conique entourée de quatre flèches.
L'intérieur
se distingue par la splendeur des mosaïques multicolores qui ornent les
parois
des chapelles latérales. Au sous-sol se trouve une crypte, au centre de
laquelle repose un gisant de la mère de Jésus en bois et en ivoire.
Nous savons
seulement que cette église a été construite à la place de plusieurs
sanctuaires
successifs qui ont perpétué le souvenir de l'évènement au cours des
siècles.

L'abbaye de la Dormition à Jérusalem
(jerusalem.muni.il).
|
Gisant de la Vierge
dans l'abbaye de la Dormition
(bobmay.info).
|
Certaines
versions du Transitus Mariae fournissent
quelques détails quant au lieu de l'inhumation de Marie. Elles
précisent que
son tombeau se trouve à Gethsémané, et qu'il s'agit d'une petite
chambre
taillée dans le rocher ; il possèderait dans sa paroi orientale une
banquette
sur laquelle le corps fut déposé.
Sur le
mont des Oliviers,
l'église de l'Assomption est bâtie autour d'une "tombe de la Vierge"
qui marque le lieu traditionnel de sa sépulture. On y accède par une
cour
rectangulaire entourée d'un mur et qui intègre la façade d'une église
médiévale.
A sa droite, un étroit couloir mène à la grotte de Gethsémané. L'entrée
de
l'église de l'Assomption s'ouvre sur un large escalier qui descend vers
un
ensemble de tombes souterraines. Le niveau inférieur est une nécropole
du Ier
siècle, transformée en église et taillée en forme de croix. C'est dans
la
branche de droite que se trouve la tombe de Marie. Elle consiste en un
petit
monument cubique qui occupe le centre de l'espace. Ses deux entrées
étroites
mènent à un volume réduit, contenant un sarcophage de marbre scellé
dans la
paroi rocheuse.
L'entrée de la tombe de Marie à Gethsémané
(christusrex.org).
|
L'intérieur de la tombe de Marie à
Gethsémané
(christusrex.org).
|
En 1972,
des pluies
torrentielles provoquèrent une inondation qui noya totalement la tombe
de
Marie. Cette catastrophe fit quelques dégats, mais elle fut aussi
l'occasion de
faire des fouilles fort instructives. Ce fut l'oeuvre des archéologues
franciscains dirigés par le père Bellarmino Bagatti.
L'examen
des caveaux de la
nécropole montra d'abord qu'elle fut bien en usage à partir du Ier
siècle.
D'autre part, l'édicule de la tombe de Marie qui était jusque-là
entièrement
recouvert de plâtre, fut débarrassé de son enduit et montra les murs
maçonnés
qui le constituaient. A l'intérieur, les fouilleurs soulevèrent le
couvercle de
marbre de la tombe, et y trouvèrent une banquette sépulcrale fort
endommagée.
Il est certain que les pélerins des siècles passés l'avaient largement
"échantillonnée". Enfin, l'arrière du choeur de l'église souterraine
révéla un étrange couloir ascendant taillé en biseau, dont l'extrémité
était
obturée. Où ce passage menait-il ? Son examen montra que c'était en
fait
l'ancienne entrée du cimetière, condamnée au moment de la
transformation du
site en église. Son style était typique des entrées de tombes de la
vallée du
Cédron. Ainsi, tous les indices sont a
priori compatibles avec la tradition littéraire de la sépulture de
Marie.

Plan de la
tombe de Marie à Gethsémané
(heiligenlexicon.de).
Marie
à Ephèse
La
présence à Jérusalem de deux
monuments relatifs à la mort de Marie n'empêche pas un tout autre lieu
de
constituer une alternative pour l'endroit supposé de son décès et de
son
inhumation. En effet, certains documents rapportent que
l'apôtre Jean
l'aurait emmenée vivre à Ephèse, et qu'elle y serait réellement
décédée. Jean
l'aurait hébergée selon le souhait qu'avait exprimé le Christ crucifié.
Le riche
patrimoine archéologique d'Ephèse compte effectivement une église de la
Vierge
Marie, construite au IVème ou au Vème siècle sur les restes d'un temple
d'Hadrien. Ce sanctuaire disposé tout en longueur comprend quelques
pans de
murs où alternent la brique et le calcaire, des alignements de colonnes
de
marbre, des sols en mosaïques et un intéressant baptistère.
Cette église
fut la première au monde à être dédiée à Marie. Elle est devenue plus
tard une
cathédrale dans les murs de laquelle se déroula un évènement-clef de
l'histoire
religieuse chrétienne : le concile d'Ephèse (431). Troisième concile
oecuménique de l'Eglise, ce rassemblement d'évêques décida en
particulier
d'accorder à la Vierge le titre de "Mère de Dieu". En 1930, on
découvrit
dans le narthex de cette église une plaque inscrite du VIème siècle,
par
laquelle l'évêque Hypatius confirmait la tenue du concile dans ce
sanctuaire.

L'église
de la Vierge Marie à Ephèse
(members.virtualtourist.com).
Mais
l'élement
le plus spectaculaire se trouve à quelques kilomètres au sud de
l'ancienne
métropole. Parmi les documents se rapportant à la vie de Marie à
Ephèse, figure
un recueil de révélations étonnantes faites il y a seulement deux
siècles par
une religieuse allemande, Anne-Catherine Emmerich (1774-1824). Sans
avoir
jamais quitté sa Westphalie natale, cette grande mystique dit avoir eu
des
visions surnaturelles de la maison d'Ephèse dans laquelle la Vierge
Marie
aurait vécu. Ses révélations contiennent de nombreux détails
descriptifs sur cette habitation. Les paroles de la religieuse furent
recueillies et publiées au XIXème siècle
par l'écrivain allemand Clemens Brentano.
En 1881, l'abbé
français Julien Gouyet fit une excursion dans les environs d'Ephèse en
cherchant d'éventuelles traces de ce lieu oublié. A son
retour il déclara avoir retrouvé la maison de Marie à partir des
indications de la
voyante allemande. Mais ses affirmations ne furent pas prises au
sérieux.
La décennie
suivante vit cependant la redécouverte du même site par deux
enseignants d'un lycée
français religieux implanté à Izmir, à proximité d'Ephèse. En
1891, une religieuse de l'hôpital français d'Izmir entendit pendant un
repas la
lecture d'un extrait de la "Vie de la Vierge" d'Anne-Catherine, qui
décrivait précisément la maison de Marie implantée dans la région
d'Ephèse. Interpellée par
la quantité de détails concrets qu'il contenait, elle suggéra à deux
pères
lazaristes, Eugène Poulin et Henri Jung, d'aller vérifier ces
révélations sur
le terrain.
Les deux prêtres
se montrèrent fort sceptiques, mais acceptèrent néanmoins de se rendre
sur
place, persuadés de ne rien trouver. Une petite expédition se mit en
route en
suivant les indications du livre d'Anne-catherine, qui les conduisit à
faire
l'ascension du mont Bülbül-Dag, au sud d'Ephèse.
Parvenus sur un plateau difficilement accessible, les explorateurs
aperçurent
un rocher en à-pic et les ruines d'un château, éléments conformes à la
description donnée. Dans un bosquet d'arbres et tout près d'une source,
ils
trouvèrent les pans de murs délabrés d'une petite chapelle désaffectée.
En
comparant les détails de l'édifice au contenu du texte
d'Anne-Catherine, il
s'aperçurent que sa forme et ses dimensions coïncidaient avec une
exactitude
qui les stupéfia. Ils furent dès lors convaincus d'avoir retrouvé la
maison de
Marie.
L'édifice était
composé de deux pièces successives, terminées par une abside en
demi-cercle et
deux pièces latérales. D'après Anne-Catherine, l'habitation avait été
transformée en chapelle après sa mort. Les deux premières pièces
étaient
séparées par une cheminée centrale. L'abside abritait l'oratoire de
Marie, la
pièce de droite était sa chambre à coucher et celle de gauche un
cellier. Dans
la chambre, la couchette était appuyée contre le mur le long duquel une
saillie
horizontale avait servi de support.

La Maison de Marie près d'Ephèse
(bible-service.net).
|
Plan de la Maison de Marie
(safaksalli.wordpress.com).
|
La concordance
constatée entre le texte et le terrain incita les pères à organiser
d'autres
expéditions sur place, qui confirmèrent
les observations faites et suscitèrent la réalisation de véritables
fouilles. Dans les années
1898-99, des sondages furent réalisés dans le sous-sol de l'édifice. On
retrouva un ancien
dallage, puis des restes calcinés d'un ancien foyer, et au fond le
chevet
d'origine polygonal de l'oratoire. Chaque résultat obtenu correspondait
en tout
point à ce qui était annoncé dans le document. Une enquête menée auprès
de la population locale révéla qu'une
vieille tradition associait ce lieu à la maison de Marie.
L'authenticité
du site fut officiellement reconnue, d'abord en 1899 par l'archevêque
d'Izmir,
puis en 1967 par le pape Paul VI. Dès lors les visites et les
pélerinages
affluèrent. La maison fut reconstruite à partir de ses ruines, et le
lieu fut
appelé en turc Meryem Ana Evi (maison
de la mère Marie), ou encore Panaya Kapulu
(porte de la toute-sainte).
Les révélations
d'Anne-Catherine Emmerich ne se limitent pas à une description statique
du
site. Elles relatent également des épisodes de la vie quotidienne de
Marie
alors qu'elle séjournait dans sa demeure. Elles décrivent le
traumatisme
psychologique dû au souvenir de la terrible mort de son fils, dont elle
ne se
remit jamais. Elles indiquent que la Vierge aménagea un chemin de croix
à
l'extérieur, toujours marqué aujourd'hui. Elles relatent comment elle
décéda et
fut inhumée par les apôtres, dans une tombe rupestre qu'ils trouvèrent
vide
trois jours plus tard.
Bien que la
religieuse allemande fasse état d'une sépulture de Marie à Ephèse, une tCelle tombe n'a pas encore été
retrouvée. Mais la voyante explique également pourquoi il existe aussi
un
tombeau de Marie à Jérusalem. Selon elle, Marie s'étant rendue âgée et
malade
dans la ville sainte, aurait choisi un tombeau pour elle-même sur le
mont des
Oliviers. Elle aurait pourtant pu regagner Ephèse où elle serait
décédée,
laissant inutilisée la sépulture réservée à Jérusalem.
Références :
[1] - "L'Assomption
racontée", 26 nov. 2009
(prophetesetmystiques.blogspot.com).
[2] - "La
maison de Marie à Ephèse"
(ac-emmerich.fr).
[3] - A.
P. Timoni (Mgr) : "Panaghia-Capouli,
ou maison de la Sainte Vierge près d'Ephèse".
Librairie religieuse H. Oudin, Paris, Poitiers 1896
(livres-mystiques.com).
|