Le premier livre des
Rois dresse un tableau tout aussi prestigieux
de la monarchie hébraïque sous le successeur de David. Le grand
monarque qui avait
fait de la nation israélite un Etat riche et puissant, désigna comme
successeur
son fils Salomon qu'il avait eu de sa seconde épouse, Bethsabée.
A peine le
jeune Salomon était-il monté sur le trône que Dieu lui apparut en songe
et lui
proposa une faveur au choix. Salomon demanda l'inspiration nécessaire
pour
gouverner son pays avec équité. Dieu apprécia cette demande, et non
seulement y
accéda mais lui promit en outre un règne fastueux et brillant.La
prophétie
se réalisa. Salomon bénéficia d'une gloire et d'une sagesse encore
supérieures
à celles de son père. Ses qualités de juge équitable et son esprit de
discernement
sont illustrés par une scène fameuse, dans laquelle il départage deux
femmes qui
revendiquent le même nouveau-né. En feignant de donner l'ordre de faire
couper
le bébé en deux, il reconnaît la véritable mère dans celle qui s'oppose
à
l'infanticide.
Le grand roi
d'Israël reçut la
visite d'une reine venue d'un énigmatique "pays de Saba", qui avait
entendu parler de sa sagesse extraordinaire et qui souhaitait la
vérifier. La
souveraine l'éprouva en lui proposant des énigmes intellectuelles qu'il
résolut
brillamment. Impressionnée par ses réponses, elle lui offrit de riches
présents
que Salomon honora en montrant autant de générosité.
Le fils de David
posséda également
d'abondantes richesses, qu'il utilisa en mettant en œuvre un programme
de
constructions ambitieux. Il fit bâtir un temple magnifique dédié au
dieu Yahweh
et destiné à abriter l'Arche de l'Alliance. Contrairement à son père
qui avait passé
beaucoup de temps sur les champs de bataille, Salomon bénéficia d'une
longue
période de paix, qu'il mit à profit pour consolider les positions
acquises. il
fortifia les villes de son royaume qu'il entoura de remparts et équipa
de
garnisons militaries (1R. 1-11).
Doté
également d'un rayonnement spirituel digne de celui de son
prédécesseur,
Salomon est encore l'auteur supposé de plusieurs textes poétiques et
sapientiaux,
tels les livres bibliques des Proverbes, de la Sagesse et le Cantique
des
Cantiques.

Les principaux sites
d'Israël
au temps de David
et de Salomon
(image réalisée
à partir de :
aquarius.geomar.de/omc).
Cette image
idéalisée
d'une monarchie hébraïque brillante et forte est aujourd'hui passée au
crible des
sciences historiques et archéologiques. Contient-elle une part de
légende ? A-t-elle
été confirmée par des traces matérielles ou des sources documentaires
extérieures ?
On trouve en
Israël des vestiges d'aménagements architecturaux imposants qui sont
susceptibles
de dater du règne de Salomon. Là aussi, un débat passionné est en cours
pour
déterminer
s'ils ont bien été édifiés au temps du fils de David.
L'âge des
villes fortifiées
Les
dates conventionnelles du début et de la fin du règne de Salomon sont
de 970 et
930 av. J.-C. environ. Pour établir cette chronologie, les biblistes
se servent d'un évènement-clef comme point de repère historique. Cinq
ans après la
mort de
Salomon, vers 925 av. J.-C, le territoire d'Israël fut envahi par le
roi
d'Egypte Sheshonq Ier (appelé Shishak dans la Bible), et sa capitale
Jérusalem fut
pillée (1 R. 14, 25-27 ; 2 Chr. 12, 1-12). Des faits similaires sont
rapportés
sur un bas-relief égyptien du temple de Karnak, qui dresse la liste des
cités cananéennes
détruites lors de cette campagne. Il ne fait pas de doute que la Bible
et les
inscriptions de Karnak parlent du même évènement. A partir de cette
correspondance,
toute la suite de la chronologie biblique depuis David et Salomon a pu
être
établie pratiquement à l'année près [1].
Le pharaon Sheshonq Ier représenté
sur un
mur du temple de Karnak
(jewishhistory.com
; copyright Jurgen Liepe).
Le premier
livre des Rois précise que le royaume de Salomon couvrait une grande
étendue,
"depuis Dan jusqu'à Bersabée" (1 R. 5, 4-5). Dan est implantée au
nord du lac de Tibériade, et Bersabée à l'ouest de
l'extrémité sud de
la mer Morte. Plusieurs cités furent aménagées sous son règne et dotées
de
systèmes de défense conséquents. Le premier livre des Rois dit que
Salomon fit équiper
plusieurs forteresses pour ses chars de guerre (1R. 9, 15-17) :
"Voici
l'affaire de la corvée que leva
le roi Salomon pour bâtir la maison de Yahweh et sa propre maison, le
Mello et
le mur de Jérusalem, Hazor, Megiddo et Gézer.(...) Salomon bâtit Gézer,
Béthoron Inférieure, Baalath et Thamar, dans le désert, toutes les
villes où
Salomon avait des magasins, les villes pour les chars, les villes pour
les
chevaux, et tout ce qu'il plut à Salomon de bâtir à Jérusalem, au Liban
et dans
tout le pays de sa domination."
Les vestiges
archéologiques susceptibles de remonter à cette époque ne manquent pas.
L'un
des exemples les plus significatifs en est la cité de Megiddo, l'un des
sites antiques
les plus importants d'Israël. Implantées au sud-ouest du lac de
Tibériade, ses ruines furent fouillées dans les années 1920 par des
archéologues de
l'Institut
Oriental de l'Université de Chicago, puis ensuite par Ygael Yadin dans
les
années 1960, et enfin par Israël Finkelstein à partir de 1994.

Vue
aérienne de Megiddo
(cclf.ca).
Megiddo occupait un
lieu stratégique, à la croisée de plusieurs routes reliant
l'Assyrie,
la Phénicie, l'Egypte et l'Arabie. Construite sur une imposante
colline, elle a livré au total plus de vingt couches d'occupation
successives qui
s'échelonnent de 7000 à 500 av. J.-C.. Solidement fortifiée par une
muraille
épaisse de 7,50 mètres, la cité contient entre autres un immense silo à
blé et
une source souterraine aménagée.
Les
archéologues de l'Université de Chicago dégagèrent deux vastes
bâtiments
contenant des alignements répétitifs de piliers, dont certains étaient
séparés
par de grandes pierres taillées en creux et percées de trous. Ils
supposèrent
que ces pierres étaient des mangeoires et ces constructions des
écuries, et
firent le rapprochement avec les chevaux et les chars de Salomon cités
dans le
premier livre des Rois. Si tel était le cas, le site devait avoir une
capacité
de 450 chevaux.
L'équipe
américaine exhuma également dans les bases du mur d'enceinte de Megiddo
les
restes d'une massive porte de défense. L'entrée était flanquée de
part et d'autre
de trois petites pièces formant une sorte de double peigne. Sans trop
comprendre la raison d'être de ce schéma, on appela l'ensemble "porte
en
triple tenaille".

Porte en
"triple tenaille" à Megiddo
(users.muohio.edu).
| 
Porte en
"triple tenaille" à Gezer
(upload.wikimedia.org).
|
Vingt
ans plus tard, l'Israélien Yigael Yadin fouillait les ruines de Hazor,
une
autre ville forte bâtie au nord du lac de Tibériade, lorsqu'il y
retrouva une
porte de défense construite exactement sur le même plan qu'à Megiddo.
Frappé
par la ressemblance, il se demanda si ce type de porte n'existerait pas
également
ailleurs. Il se plongea alors dans les archives des fouilles faites sur
le site
de Gézer, la troisième ville citée dans le même verset biblique (1R. 9,
15). Gézer
est située à trente kilomètres à l'ouest de Jérusalem. Yadin fut
stupéfait en
lisant le rapport de l'archéologue irlandais Robert Macalister, qui
avait
décrit vers 1905 une structure identique à l'un des côtés d'une entrée
en
triple tenaille comme à Megiddo et à Hazor.

Portes
"salomoniques"
à Gézer, Megiddo et Hazor.
(chronosynchro.net)
Yadin conclut
de ses observations que les fortifications aménagées dans ces trois
villes
avaient été bâties sur un plan-type, appliqué par les mêmes
constructeurs et
incluant ce type de porte. L'existence de ces ouvrages monumentaux,
bâtis en
gros blocs, impliquait une organisation puissante capable de les
produire. Le
meilleur candidat susceptible d'avoir fait réaliser de tels
aménagements ne
pouvait être que le prestigieux roi Salomon, dont la Bible évoque
les travaux de fortification qu'il entreprit précisément
dans ces villes. Yadin
data la
construction de ces portes du Xème siècle, et dès lors ce style de
remparts
avec portes en triple tenaille fut considéré comme typique de l'oeuvre
de ce
roi.

Porte du rempart de
Megiddo
(bible-archaeology.info).
Cependant des études plus récentes ont remis en
cause ce
raisonnement. Israël Finkelstein contesta
la concordance chronologique, en effectuant une nouvelle datation des
ruines de
Megiddo et en leur trouvant un âge plus tardif d'au moins cent ans que
les
règnes de ces souverains. En effet, sous le niveau stratigraphique des
portes
et des écuries de Megiddo ont été trouvés deux somptueux palais, qui
ressemblent fort à un autre palais découvert à Samarie et qui date du
IXème
siècle. Finkelstein observa également un décalage de dates dans les
poteries
des niveaux de fouilles concernés. Il retarda donc de cent ans au moins
la
construction des fortifications dites "salomoniques", et les attribua
au roi d'Israël Omri (885-874) ou à son fils Achab (874-852) [2].
Omri et Achab ont
régné sur la moitié nord du royaume après la partition d'Israël en deux
Etats à
la mort de Salomon. Par extension, Finkelstein déduisit que toutes les
constructions du même type trouvées dans les autres villes seraient
d'époque
"omride", et donc qu'aucun de ces vestiges ne remontait à David ou à
Salomon. Selon lui, l'émergence d'un véritable Etat hébreu est à
retarder de
plusieurs dizaines d'années, et ne devait pas encore exister au Xème
siècle. Il
en conclut que les textes bibliques qui décrivent le prestige de la
royauté
naissante rapportent des récits exagérés, voire légendaires. Plus
vraisemblablement,
ces premiers
rois n'auraient été que de petits chefs de tribus purement locaux.
Finkelstein et
les archéologues de l'école "minimaliste" défendent l'idée selon
laquelle une
grande partie des récits de l'Ancien Testament ont été imaginés par des
écrivains
tardifs dans un but purement politique. Ils auraient agi pour le compte
d'un
monarque hébreu du VIIème siècle av. J.-C. appelé Josias, qui aurait
cherché à
réunir artificiellement des tribus hétéroclites en leur inventant un
passé
commun. Josias a effectivement régné sur Jérusalem entre 640 et 609 av.
J.-C.. Cette
conception nouvelle dérange évidemment les traditions religieuses qui
considéraient
jusqu'à présent les récits de l'Ancien Testament comme des évènements
historiques
réels.

Plan
de la ville antique
de Megiddo
(bib-arch.org).
En
fait, plusieurs sites archéologiques tels que Megiddo, Hazor, Gézer,
Arad et
Tel Rehov ont été étudiés également par d'autres archéologues qui en
tirent des
conclusions bien différentes. Ainsi, Amihaï Mazar explique que l'on
trouve le
même style de céramiques dans les couches archéologiques couvrant une
assez
longue période, englobant les Xème et IXème siècles, donc aussi
l'époque des premiers
grands rois. Par conséquent, ces vestiges ne sont pas incompatibles
avec le
Xème siècle. A Hazor, le responsable des fouilles Amnon Ben-Tor
maintient que
la porte de défense à six chambres date bien du Xème siècle [3]. A
Tel Rehov, les strates archéologiques ont depuis peu été datées par la
méthode
du carbone 14, et les résultats publiés en 2003 dans la prestigieuse
revue Science annoncent clairement le Xème
siècle [4][5][6][7].

Porte en
"triple tenaille" à Hazor
(users.muohio.edu).
| 
Ecuries à
Megiddo
(upload.wikimedia.org).
|
Par ailleurs, l'étendue de
l'ancien royaume d'Israël pourrait avoir
laissé sur le terrain d'autres
formes de constructions spécifiques. Ainsi, on voit apparaître à
partir du XIème ou du Xème siècle av. J.-C. des "bâtiments tripartites
à
piliers", grandes structures rectangulaires divisées longitudinalement
par
deux rangées de piliers. Les fouilles ont montré que ces édifices
étaient des entrepôts
publics où des marchandises étaient échangées ou conservées. Leur
répartition géographique
dans le pays forme un vaste périmètre, dont l'Américain Jeffrey Blakely
a montré récemment
qu'il
correspondait précisément aux frontières du grand royaume d'Israël,
telles qu'elles sont définies dans le premier livre des Rois (4, 7-19)
[8]. Ces entrepôts ont pu servir à collecter des taxes près des
frontières. De
Tel Masos au Sud à Tel Hadar au Nord,
leur implantation se superpose aux limites du premier royaume d'Israël
biblique du Neguev au lac de Galilée.
Tous ces
éléments tendent à rétablir la crédibilité historique d'une monarchie
unifiée
étendue sous David et Salomon.

Bâtiment tripartite à
piliers à Hazor
(fr.wikipedia.org).
Le
témoignage des inscriptions
Au plus fort de la controverse
archéologique sur la naissance de la monarchie unifiée en Israël, une
discipline proche de l'archéologie est venue apporter sa pierre à la
discussion : l'épigraphie, qui est l'étude
des anciennes inscriptions sur supports durables. Il est intéressant de
voir
comment des
traces de l'usage de l'écriture alimentent
le débat
sur la
naissance du royaume d'Israël.
L'un
des arguments avancés par les archéologues minimalistes est de
considérer
l'Israël du temps de David comme un Etat de superficie réduite et peu
structuré,
où l'instruction était peu répandue et où l'illettrisme dominait.
Quelques
artéfacts archéologiques montrent pourtant que l'écriture
hébraïque était
déjà utilisée en Canaan au Xème siècle. Le premier élément connu est le
"calendrier de Gézer", une petite pierre plate découverte à Gézer en
1908 par Macalister et sur laquelle apparaissent huit lignes d'un
texte écrit
en hébreu archaïque. Sa traduction donne une liste des travaux
agricoles à
effectuer pour chaque mois de l'année. L'objet est daté du Xème ou du
IXème
siècle [9][10].

Le
calendrier de Gezer
(historicconnections.webs.com).
|
"Deux mois de récolte
Deux mois de
plantation
Deux mois de plantation tardive
Un mois de cueillette du lin
Un mois de récolte de l'orge
Un mois de moisson et de fête
Deux mois de taille de la vigne
Un mois de fruits d'été. Abiyahu."
|
D'autres
objets sont venus depuis peu compléter ce document. Cent ans plus tard, en
juillet 2005, le
professeur Ron Tappy, du Séminaire Théologique de Pittsburgh, fouillait
de site
de Tel Zayit, dans le sud d'Israël, lorsqu'en nettoyant le chantier à
l'issue
d'une saison de fouilles, un membre de son équipe remarqua une
inscription
intégrée à un mur. Il s'agissait d'un abécédaire, c'est-à-dire d'une
suite ordonnée de
toutes les lettres alphabétiques. Les caractères avaient une forme
encore plus
archaïque que celles du calendrier de Gézer. Le site de Tel Zayit
remonte
incontestablement au Xème siècle av. J.-C. et semble avoir été
frontalier du
territoire philistin.

Lieu où a
été
trouvé l'abécédaire de Tel Zayit
(havenministries.com).
| 
L'abécédaire
de Tel
Zayit
(nytimes.com).
|
En
été 2008, une autre inscription peinte sur un tesson
de
poterie fut trouvée à Khirbet Qeiyafa, une ancienne forteresse
implantée à
vingt kilomètres à l'ouest de Jérusalem, en bordure de la vallée d'Elah
où
David aurait affronté le géant Goliath. La cité, fouillée par
professeur Yosef
Garfinkel, de l'Université hébraïque de Jérusalem, possède la
base d'un rempart
de 700 mètres de circonférence et dont certaines pierres pèsent plus de
quatre
tonnes. Le site a été daté au carbone 14 grâce à des noyaux d'olives et
remonte
au début du Xème siècle.
Le
fragment de poterie découvert porte cinq lignes de texte inscrites à
l'encre
partiellement
effacées. Le professeur Gerson Galil, de l'Université de Haïfa, en a
proposé
une traduction. Il s'agirait selon lui d'une instruction sociale relative aux
esclaves,
aux veuves et aux orphelins. L'appartenance à la culture hébraïque
proprement
dite serait soutenue par des mots spécifiques de l'hébreu, comme "faire",
"travailler" et "veuve". La traduction proposée est pétrie
de culture juive et l'on croirait avoir affaire à un verset biblique :
"Vous
ne devriez pas faire cela, mais adorer l’ Eternel.
Jugez l’esclave et la veuve.
Jugez l’orphelin et l’étranger.
Plaidez pour l’enfant.
Plaidez pour le pauvre et la
veuve.
Réhabilitez le pauvre aux yeux du
roi.
Protégez le pauvre et l’esclave.
Soutenez l’étranger." | 
L'ostracon
de Khirbet Qeiyafa
(historicconnections.webs.com).
|
Cette
traduction a été sévèrement contestée car elle se fondait sur une reconstitution
hypothétique
des lettres manquantes. D'autres versions ont été proposées, mais aucune n'est confirmée. Khirbet Qeyiafa étant
considéré comme un site hébreu ou cananéen, il est clair que le peuple installé
dans cette cité pratiquait l'écriture et s'était doté de moyens de défense
importants [13].
Les
révélations ayant trait à ce sujet ont continué à se succéder à un
rythme
croissant. Quelques semaines après la découverte de l'ostracon de
Khirbet
Qeiyafa, on découvrit sur le même site une seconde porte de défense percée dans
le
rempart, indépendamment d'une première porte déjà dégagée
[14][15]. Khirbet Qeiyafa est le seul site fortifié de l'âge du fer
muni de deux entrées.
Cette particularité trouve un écho dans le récit biblique du combat de
David contre
Goliath, où il est question d'une ville appelée Saraïm, dont le nom signifie
précisément "deux portes" (1 Sm. 17, 52). Ce rapprochement a conduit
Garfinkel à identifier Khirbet Qeiyafa à la ville biblique de Saraïm.
L'existence
de cités puissamment défendues au Xème siècle av. J.-C., marquées par
un
contexte hébreu et séparées par des distances conséquentes, renforcent
la
possibilité qu'une organisation étatique puissante et étendue se soit
mise en
place dès le début de la royauté israélite. La présence de ce type de
cités est
significatif d'un Etat hébreu politiquement fort.

Le site de Khirbet Qeiyafa
(unisciences.com).
Les
Forteresses du Néguev
Dans
la grande région aride du Néguev qui s'étend entre la judée et le Sinaï
égyptien,
se trouve une série de restes d'anciennes fortifications bâties en
plein
désert. Il s'agit de plusieurs petits forts militaires isolés,
dispersés entre
la mer Méditerranée et l'extrémité du golfe d'Aqaba. La
plupart de ces ouvrages ont été bâtis au Ier
millénaire avant notre ère selon des plans de formes ovale,
rectangulaire ou
carrée. Ce réseau de places fortes a été fouillé
notamment
entre 1976 et 1982 par Rudolph Cohen, du Département des Antiquités
d'Israël [16].
Parmi
ces constructions figure le tumulus de la vallée de Tell el-Qudeirat,
identifiée au Kadesh-Barné de l'Exode et déjà évoquée plus haut. Les
céramiques
les plus anciennes qui y furent trouvées sont typiques du Xème siècle.
Le
niveau stratigraphique correspondant est recouvert d'une épaisse couche
de
cendres, preuve qu'il fut détruit par le feu. Les autres fortins
construits
par-dessus datent essentiellement du VIIIème et du VIIème siècle,
c'est-à-dire de la monarchie judéenne des successeurs de Salomon.
Rudolph
Cohen émit l'hypothèse que les forts les plus anciens étaient
l'œuvre du roi
Salomon et qu'ils défendaient la frontière avec l'Egypte. Leur
destruction par un incendie serait le fait de l'expédition du pharaon
Chechonq
Ier en 925. Les dates obtenues par l'examen des céramiques sont en
accord avec
cette hypothèse et ne semblent pas avoir été remises en cause.
Si
cette identification est juste, le système de défense du Néguev
représente la
limite méridionale d'un vaste Etat qui s'étendait au Xème siècle plus
encore
vers le sud que Bersabée. On est loin de l'idée réductrice d'un royaume
hébreu
limité à un
domaine étroit centré sur la seule ville de Jérusalem.
Les mines du
roi Salomon
Le programme de constructions du
roi Salomon comprenait la construction du Temple de Jérusalem dont
l'intérieur
était "recouvert d'or" (1 R. 6, 20-22). Le grand monarque construisit
également une flotte sur la mer Rouge à Ezéon-Géber, à la pointe du
golfe
d'Aqaba (1 R. 9, 26).
En
1937 de notre ère, l'Américain Nelson Glueck fit des fouilles à Tel
el-Kheleifeh, tout près d'Aqaba dans la dépression de l'Araba [17]. Le
site
révéla qu'il constituait dans l'Antiquité une important complexe minier
d'où
l'on extrayait du cuivre. Nelson Glueck l'attribua au règne de Salomon
et l'identifia
à l'Ezéon-Géber de la Bible. C'est de là que serait venu le métal - non
pas de
l'or mais du cuivre - utilisé pour la construction du Temple de
Jérusalem.
Une
situation analogue se présenta pour un autre site minier riche en
cuivre, Kihrbet
en-Nahas, implanté plus au nord dans la même vallée de l'Araba et
également fouillé
par Nelson Glueck. Dans les années 1980 cependant, des recherches
faites par
une équipe britannique conclurent que l'exploitation des mines de
Kihrbet
en-Nahas n'était pas antérieure au VIIème siècle av. J.-C., et qu'un
éventuel
lien avec Salomon était donc anachronique [18].

Mine de cuivre de Khirbet en-Nahas
(wadiarabahproject.man.ac.uk).
| 
Mines de cuivre et enceinte
d'une forteresse à Khirbet en-Nahas
(wadiarabahproject.man.ac.uk).
|
Mais la controverse
rebondit, car lorsqu'en 2005 les chercheurs Thomas Levy et Mohammad
Najjar effectuèrent
une datation au carbone 14 des mines de Kihrbet en-Nahas, le résultat
qu'ils obtinrent
indiquait à nouveau le Xème siècle pour l'exploitation de ces mines.
Elles
étaient donc bien contemporaines du début de la monarchie hébraïque
[19][20][21].
A ce
stade, le peuple qui exploitait ces ressources n'était cependant
pas clairement identifié. A côté du royaume d'Israël, le royaume d'Edom
était
un autre candidat possible car Khirbet en-Nahas se trouvait sur son
territoire.
Cependant l'existence du royaume d'Edom à l'âge du fer est également
contestée
par les archéologues "minimalistes". Quoi qu'il en soit, il apparaît
qu'une société structurée au Xème siècle av. J.-C. a été capable de
produire dans
cette région du métal à une échelle quasi-industrielle.
Références :
[1] - A. Mazar : "Qui a
construit ces murs ?" La Recherche n° 391, novembre 2005.
[2] - I. Finkelstein et N.
Silberman : "La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de
l'archéologie". Bayard,
2002.
[3] - D.C. Pride : "The 1971
Excavation of
King Solomon's gate at Tel Gezer was the first arcaheological proof of
a
biblical passage as history ... It proved the existence of the real
King
Solomon" (kingsolomonsgate.com).
[4] - H.J. Bruins et J. Van
der Plicht : "Le recours au carbone 14". La Recherche n° 391,
novembre 2005.
[5] - H.J.Bruins, J. Van der Plicht, A.
Mazar : "C14 dates from Tel Rehov : iron-age chronology,
pharaohs,
and hebrew kings". Science vol. 300, 11 apr. 2003.
[6] - C. Holden : "Dates
boost conventional
wisdom about Solomon's splendor". Science, vol. 300, 11
avril 2003.
[7] - A. Soued : "Une
cité de l'époque du roi David découverte à Beth Shean". Tsedek Info
d'Israël n° 40, juillet-août 2003 (sefarad.org).
[8] - J.A.
Blakely : "Reconciling
Two Maps : Archaeological Evidence for the Kingdoms of David and Solomon".
Bulletin of the American Schools of
Oriental Research N° 327, Aug. 2002, pp. 49-54.
[9] - S.
Ortiz, S. Wolff : "The Tel Gezer
Excavation and Publication Project" (gezerproject.org).
[10] - L. Goguillon : "Le
calendrier juif" (louisg.net).
[11] - D. Mathieussent : "Une
inscription datant du roi David". Libération, 3 nov. 2008
(liberation.fr).
[12] - "Qeiyafa ostracon
chronicle". 8 july 2008 (qeiyafa.huji.ac.il).
[13] - S. Blum : "Découverte
de l’insciption hébraïque la plus ancienne! Probablement de l’époque du
roi
David" (blogdei.com).
[14] - M.
Kalman : "New Evidence Surfaces of
David's Kingdom". The San Francisco Chronicle, 17 nov. 2008
(elahfortress.com).
[15] - Y. Garfinkel, S. Ganor : "Khirbet Qeiyafa :
Sha'arayim". The Journal of Hebrew Scriptures, vol. 8,
art.
22, 2008 (elahfortress.com).
[16] - R. Cohen :
"Qadesh-Barnéa". Le Monde de la
Bible n° 39, mai-juin-juillet 1985.
[17] - W. Keller : "La
Bible arrachée aux sables". Famot, Genève
1975.
[18] - "Archéologie :
possible découverte des mines de Salomon en Jordanie", 30 oct. 2008
(un-echo-israel.net).
[19] - T.E. Levy, R.B. Adams, M. Najjar, A.
Hauptmann, J.D. Anderson, B. Brandl, M.A. Robinson, T. Higham :
"Reassessing the chronology of Biblical Edom : new excavations
and
C14 dates from Khirbat en-Nahas (Jordan)". Antiquity 302 :
865-79,
2004 (anthro.ucsd.edu).
[20] - E. Van der Steen, P.
Bienkowski : "How old is
the Kingdom
of Edom ?"
(wadiarabahproject.man.ac.uk).
[21] - F.
Jenkins : "Where are the copper mines
?", aug. 27, 2008 (ferrelljenkins.wordpress.com).
|