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Le sursis       
du royaume       
de Juda      




















    Tandis qu'en l’an 722 le royaume de Samarie tombait sous les coups de la puissance assyrienne, l'heure de la fin n'avait pas encore sonné pour le royaume de Juda. Après la chute d’Israël, Juda devint vassal de l’Assyrie, mais lorsqu’en l’an 716 av. J.-C. le roi Ezéchias monta sur le trône de Juda, ce monarque d’une grande piété attendit une occasion favorable pour se libérer de la tutelle chaldéenne.

     A la mort de Sargon II, en 705 av. J.-C., son fils Sennachérib prit sa place à la tête de l’empire assyrien. Ce fut le signal de la révolte, car plusieurs royaumes qui lui étaient assujettis se soulevèrent. Sennachérib réagit en écrasant d’abord les Babyloniens à Kish, puis en se tournant vers l’Ouest pour assiéger les cités qui refusaient de se soumettre, notamment les villes judéennes de Lachis et de Jérusalem.


Le drame de Lachis


     La Bible évoque brièvement la reprise des cités rebelles par Sennachérib et la présence de son armée à Lachis (2 R. 18, 14 ; 2 Chr. 32, 9). C’est à Ninive, la nouvelle capitale de l’Assyrie sous Sennachérib, que les archéologues ont trouvé le plus d’informations sur le siège assyrien de Lachis. Les ruines de Ninive, l’une des plus impressionnantes cités antiques, sont implantées à quatre cent kilomètres au Nord de Babylone, sur le fleuve Tigre et juste en face de l’actuelle Mossoul. Elles furent fouillées brièvement en 1842 par le Français Paul-Emile Botta, puis plus longuement à partir de 1847 par l’Anglais Austen Henry Layard. Les Britanniques furent plus chanceux que les Français, car c’est Layard qui exhuma l’extraordinaire patrimoine qui se dissimulait sous son sol.





Ancienne porte de Ninive
(archaeologynewsnetwork.blogspot.fr).



Le roi Sennacherib et sa cour

(halchetron.com/Sennacherib).


     L’essentiel des vestiges de Ninive se concentrent sur le tell de Kuyunjik, au coeur de l’antique cité. Les plus anciennes traces de son occupation remontent aussi loin qu’au VIIe millénaire avant notre ère, mais la ville fut considérablement agrandie lorsque Sennachérib s’y installa, vers l’an 700. Le puissant roi d’Assyrie l’entoura d’un double rempart long de douze kilomètres, qui délimitait une surface de sept cent cinquante hectares. En 1849, Layard exhuma l’immense palais que Sennacherib s’était fait construire et les décors monumentaux qu’il contenait. Les murs de ses nombreuses salles étaient couverts de magnifiques bas-reliefs qui couraient sur des centaines de mètres. Ceux-ci représentaient les grandes batailles ayant marqué son règne, de belles scènes de chasse et la construction du palais lui-même. Le complexe architectural contenait également des statues de rois géantes en bronze et d’imposantes statues de taureaux ailés.

    La prise de la cité judéenne de Lachis est représentée sur ces bas-reliefs avec force détails. Le sujet occupe les murs d’une salle de douze mètres sur cinq qui montrent le déroulement des opérations. L’armée assyrienne encercle la ville et ses archers lui jettent une pluie de flèches. Des engins de siège faits de béliers et de tours montés sur des chariots s’avancent sur une rampe d’assaut. Assis sur son trône, Sennachérib dirige l’attaque et ordonne d’empaler les prisonniers et de déporter les femmes et les enfants.





Fragment d’un bas-relief
montrant la prise de Lachis
(arrecaballo.es).


     Peu de temps après la découverte des trésors archéologiques de Ninive, la majeure partie d’entre eux prirent le chemin de l’Angleterre et sont aujourd’hui visibles au British Museum, y compris les bas-reliefs du siège de Lachis. Il en est peut-être mieux ainsi, car en 2014 l’Etat islamique détruisit l’ancien mur d’enceinte de Ninive, et s’acharna sur un grand nombre de statues conservées au musée de Mossoul ...


Bas-relief montrant
la prise de Lachis
(testimony-magazine.org).


     Quant aux ruines de la cité de Lachis, elles n’ont été localisées qu’au XXe siècle sur la colline de Tell ed-Duweir, à quarante kilomètres au Sud-Ouest de Jérusalem. A partir de 1932 puis de 1973, les archéologues James Leslie Starkey et David Ussishkin y travaillèrent, retrouvant ses murailles et la rampe d’assaut assyrienne, ainsi que des centaines de pointes de flèches et une fosse commune ou mille cinq cents corps avaient été entassés. Ils constatèrent que le rempart avait été réhaussé par les défenseurs de la ville, sans doute pour s’élever plus haut que la rampe, mais que celle-ci fut également surélevée pour atteindre le second niveau de la muraille ...

 

Le miracle de Jérusalem

            

     En 701 av. J.-C., Lachis et les autres cités rebelles ayant été soumises, le roi Sennachérib marcha sur Jérusalem et l’assiégea à son tour. Rien ne semblait pouvoir sauver la cité sainte, retranchée derrière son rempart. Du pied de la muraille, les Assyriens invectivèrent ses habitants enfermés dans leurs murs et insultèrent leur Dieu. Face au puissant roi d'Assyrie, Ezéchias soutenu par le prophète Isaïe comptait sur la protection divine pour défendre la cité.

     Contre toute attente, la ville fut sauvée par un secours providentiel. A la suite des prières d'Ezéchias et d’Isaïe, la plupart des soldats assyriens périrent pendant la nuit. « Et il arriva que cette nuit-là, l’ange de Yahweh fit périr dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes : quand on se leva le matin, voici tous ces cadavres ! » (2 R. 18, 35). Sennachérib privé d’armée fut contraint de lever le siège et repartit pour Ninive (2 R. 18-19 ; Is. 36-37).


Le roi assyrien Sennacherib
(themennonite.org).


     Les historiens de l’Antiquité ont vainement cherché une interprétation à ce désastre assyrien. Un parallèle a été avancé avec un curieux texte d’Hérodote relatif à l’Egypte. Lorsque le même roi Sennachérib mit le siège devant la cité égyptienne de Péluse, dans le delta du Nil, le campement assyrien fut victime d’une invasion de rats qui rongèrent tous ses équipements. Pour Jérusalem, il a été suggéré qu’une épidémie de peste ait été provoquée également par des rats et aurait décimé les troupes assyriennes ...

    Quoi qu’il en soit, on est à peu près certain que Jérusalem ne fut pas prise. L’une des clefs de la résistance de la ville tenait sans doute à son ingénieux système d'alimentation en eau. En monarque prévoyant, Ezéchias avait fait préalablement renforcer les défenses de la ville. Il fit aussi creuser sous la cité un remarquable tunnel souterrain, qui captait l’eau de la source de Gihon pour la conduire à l’intérieur de la cité. L’Ecriture dit qu’il fit réaliser « la piscine et l'acqueduc pour amener les eaux dans la ville » (2 R. 20, 20) et qu’il « ferma l'issue supérieure des eaux de Gihon et les dirigea par-dessous vers l'Ouest, jusqu'à la cité de David » (2 Chr. 32, 30 ;)

     Une galerie creusée sous l’ancienne Jérusalem et qui acheminait l’eau d’un ruisseau fut en effet découverte par Edward Robinson en 1838. Entièrement taillée dans la roche, elle part de la source qui coule à l’Est de la ville pour atteindre un réservoir implanté dans la cité de David, cinq cent trente mètres plus au Sud. Aujourd'hui encore, le public peut la parcourir les pieds dans l'eau. En 1880, des enfants qui s’y baignaient trouvèrent au milieu du tunnel une inscription antique gravée sur sa paroi. Inscrite en hébreu, elle commémorait l'achèvement du tunnel et décrivait l'instant où les foreurs partis des deux extrémités firent leur jonction. Elle dit ceci :


« Voici la percée et telle fut l’histoire de la percée. Alors que les mineurs maniaient le pic l’un vers l’autre et qu’il n’y avait plus que trois coudées à percer, on entendit la voix de chacun appelant l’autre, car il y avait de la résonnance dans le rocher venant du Sud et du Nord. Au jour de la percée, les mineurs frappèrent l’un à la rencontre de l’autre, pic contre pic. Alors coulèrent les eaux depuis la source jusqu’au réservoir, sur mille deux cents coudées, et de cent coudées était la hauteur du rocher au-dessus de la tête des mineurs ».





Le tunnel d'Ezechias
(bibleplaces.com).



L'inscription du tunnel d'Ezéchias
(ibibleistrue.com).




      Rien ne prouvait cependant que cette galerie avait été creusée au temps d’Ezéchias. En 2005 toutefois, une étude géotechnique effectuée par le professeur Amos Frumkin, de l’université hébraïque de Jérusalem, permit de préciser les méthodes de creusement et d'orientation employées lors du forage. En outre, l'âge du tunnel fut confirmé par une datation faite avec la méthode du carbone 14 appliquée à des résidus organiques incrustés dans la paroi. Elle fut complétée par une seconde datation utilisant la méthode des isotopes de l'uranium et du thorium mesurés dans des microstalactites. Les résultats s'accordèrent précisément autour de l'an 700 avant notre ère, date qui coïncide avec le règne d'Ezéchias et la conquête assyrienne.


Tracé du tunnel d'Ezéchias dans la Cité de David
(hitch.south.cx/biblesidenotes.htm).

 

     Le siège de Jérusalem courageusement soutenu par Ezéchias est aussi mentionné dans les sources assyriennes. Au milieu des ruines de Ninive en effet, le colonel Robert Taylor, consul général britannique de Bagdad, avait trouvé en 1830 une étonnante colonne hexagonale de terre cuite couverte de caractères cunéiformes. Le « prisme de Taylor » ainsi nommé porte inscrites les annales du règne de Sennachérib. Après traduction, il s’avéra que la campagne assyrienne contre le royaume de Juda y était évoquée :

 

« Quant à Ezéchias du pays de Juda, qui ne s’était pas soumis à mon joug, j'assiégeai et je conquis quarante-six de ses villes fortifiées et les innombrables petites villes de leurs environs, au moyen de rampes et d'approche, de béliers, d'attaque de fantassins, de forages de brèches et d'instruments de siège. J’en fis sortir et comptai pour butin deux cent mille cent cinquante personnes, petits et grands, hommes et femmes, des chevaux, des mulets, des ânes, des chameaux, des boeufs et du petit bétail sans nombre. Quant à lui, je l'enfermai dans Jérusalem, sa cité royale, comme un oiseau dans une cage ».





Le prisme de Taylor
(news.uchicago.edu).


     De toute évidence, cette dernière formule signifie que Jérusalem n’a pas été prise. Le document détaille ensuite la fourniture par Ezéchias de nombreuses denrées à l’envahisseur, un versement dont le contenu est partiellement confirmé par la Bible (2 R. 18, 14). On n’est pas surpris de constater que les Assyriens mentionnent le paiement du tribut mais restent évasifs sur leur semi-échec militaire ...

     En 2015, le nom du roi Ezéchias est également apparu sur une empreinte de sceau d’argile trouvée par Eilat Mazar à Jérusalem, dans le quartier d’Ophel implanté au Sud du mont du Temple. Cette marque de sceau, ou « bulle », que l’on apposait habituellement sur un document, servait à authentifier son auteur comme le cachet d’une lettre. L‘empreinte mesure à peine plus d’un centimètre et porte en hébreu la mention : « A Ezéchias, fils d’Achaz, roi de Juda ». Cet artéfact fut le premier objet portant le nom d’un roi de Juda découvert lors de fouilles archéologiques déclarées.



Sceau du roi Ezéchias
(formerthings.com).


    Plus étonnante encore est la découverte publiée en 2018 d’une autre empreinte de sceau, trouvée sur le même site et à trois mètres seulement de celle d’Ezéchias. Le sceau étant ébréché, il manquait deux ou trois lettres, mais il était facile d’y lire : « Appartenant à Isaïe, le prophète », les lettres manquantes étant les dernières des mots « Isaïe » et « prophète ». Malgré ce manque, la possibilité qu’il s’agisse du prophète biblique est plus que probable.




Sceau du prophète Isaïe
(terrasanta.net).



Les derniers rois de Juda et la composition de la Bible

 

     Certes, la ville de Jérusalem fut épargnée par les armées assyriennes, mais le reste du pays eut à subir en représailles la destruction, la mort, l’incendie et le pillage. Après son retour à Ninive cependant, le cruel Sennachérib fut assassiné par ses propres fils (2 R. 19, 37), un meutre également rapporté dans les archives assyriennes et babyloniennes.

     La capitale de Juda n’ayant pas été soumise, son royaume subsista encore pendant un siècle après la disparition de celui d’Israël. Le fils et successeur d’Ezéchias, le roi Manassé, craignait de subir le même sort que Samarie et accepta la tutelle assyrienne. Moyennant le paiement d’un tribut et un soutien militaire à l’Assyrie, Juda bénéficia momentanément de la sécurité et de la prospérité. Mais ce fut une porte ouverte au retour des cultes païens et des pratiques occultes. Peu avant la fin de son long règne toutefois, Manassé changea d’attitude et renoua avec le monothéisme (2 Chr. 11, 18 ; 2 Chr. 33, 12-19).

     Son petit-fils Josias fut le dernier monarque judéen à se montrer fidèle au dieu Yahweh. Les livres rapportent qu’au cours de travaux de réparation effectués dans le Temple, un prêtre découvrit dans le sanctuaire un vieux manuscrit oublié, le « livre de la loi de Moïse », qui probablement n’était autre que le Deutéronome. On fit la lecture du document en présence du roi, puis de tout le peuple rassemblé. Le monarque prit alors la mesure du relâchement spirituel qui s’était produit, s’en émut et mit en oeuvre une réforme religieuse conservatrice dans tout le pays. Il supprima les autels païens, rétablit la pratique du monothéisme et centralisa le culte à Jérusalem, dont le Temple devint le seul sanctuaire autorisé (2 R. 22-23 ; 2 Chr. 34-35).

     Le professeur Israël Finkelstein a vu dans le roi Josias un initiateur de la rédaction de tous les livres bibliques antérieurs à son règne. Selon l’archéologue, la rédaction de l’Ancien Testament n’aurait donc pas commencé avant le VIIe siècle av. J.-C., c’est-à-dire bien tardivement. Ces textes auraient été écrits sous Josias à des fins de propagande politique, dans le but de fédérer diverses ethnies locales. Cette théorie justifie sa conviction que les textes bibliques auraient été écrits plusieurs siècles après les évènements qu'ils relatent.

     Ce scénario est aujourd’hui reçu avec un certain scepticisme. D'abord parce qu’au vu des résultats des fouilles, rien ne prouve cette hypothèse formulée a priori. Ensuite parce que l’attachement des Juifs à leurs origines est si fort qu’il paraît difficile d’y voir le résultat d’un endoctrinement artificiel. Plus probablement, le roi Josias n’a fait que remettre en avant une tradition écrite déjà ancienne.

       Après la mort de Josias, les derniers rois de Juda furent les acteurs d’un retour à l’idolâtrie, au mépris des avertissements du prophète Jérémie. Le prix à payer pour cette politique allait être – d’après l’Ecriture – la chute définitive du royaume de Juda, lors d’une nouvelle invasion militaire venue de l’Est, émanant cette fois de l’empire néo-babylonien (2 R. 23-24).







Références :


[1] - D. Ussishkin : « The Lachis Relief’s and the city of Lachis”. Israel Exploration Journal, Vol. 30, 1980, pp. 174-195.
[2] - D. Ussishkin : “Excavations and Restoration work at Tel Lachish”. http://archaeology.tau.ac.il/?page_id=2045.
[3] - Hérodote : “Histoires”. II, 141. http://remacle.org/bloodwolf/historiens/herodote/euterpe.htm.
[4] - E. Robinson, E. Smith : « Biblical Researches in Palestine, and in Adjacent Regions : A Journal of Travels in the Year 1838 », Vol. I. Crocker and Brewster, Boston 1860, second edition, pp. 338-339. https://archive.org/details/comparativegeog01gagegoog.
[5] - J. Derenbourg : « L'inscription du tunnel près de la fontaine de Siloé, à Jérusalem ». In : Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 25ᵉ année, N. 2, 1881. pp. 97-100. http://www.persee.fr/docAsPDF/crai_0065-0536_1881_num_25_2_68700.pdf
[6] - J. Briend, J.M. Seux : “Textes du Proche-Orient ancien, et histoire d’Israël ». Cerf, Paris 1978, p. 118. Cité par : A. Tichit : “Jerusalem, ville unique”. Atelier, Paris 2002, p. 25
[7] - A. Frumkin, A. Shimron : "Tunnel Engineering in the Iron Age : Geoarchaeology of the Siloam Tunnel, Jerusalem". Journal of Archaeological Science 33 (2006) 227-237
[8] - A. Frumkin, A. Shimron & J. Rosenbaum : “Radiometric dating of the Siloam Tunnel, Jerusalem”  Nature 425, 169-171 (11 September 2003).
[9] - A.R. Millard : “Sennacherib's Attack on Hezekiah”. The Tyndale Biblical Archaeology Lecture, 1984. Tyndale Bulletin 36 (1985), pp. 61-77
[10] - M. Langlois : « Le sceau d’un roi de la Bible découvert à Jérusalem ». 4/12/2015. https://michaellanglois.fr/fr/publications/
a-biblical-kings-seal-found-in-jerusalem_le-sceau-dun-roi-de-la-bible-decouvert-a-jerusalem.
[11] - E. Mazar : “Is This the Prophet Isaiah’s Signature ?” Biblical Archaeology Review, March/April/May/June Vol. 44, Nos 2 & 3, 64-73 et 92.
[12] - P. Evans : “The Invasion of Sennacherib in the Book of Kings: A Source-Critical and Rhetorical Study of 2 Kings 18-19”. Brill, Leiden 2009, p. 3.
[13] -
S. Parpola : “The murderer of Sennacherib”. Extrated from “Death in Mesopotamia, XXVIeme Rencontre Assyriologique Internationale”, edited by Professor Bendt Alster, Akademisk Forlag, 1980. http://www.gatewaystobabylon.com/introduction/murderersennacherib.htm







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